Y-a-t-il des gens complètement pourris ? 25ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 22 septembre 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Y-a-t-il de gens complètement pourris ?
25ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 22 septembre 2019

Lectures :
Am 8,4-7 : Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ?
1Tm 2,1-8 : J’encourage à faire des demandes, des prières, des intercessions…
Lc 16,1-13 : le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête…

Chers frères et sœurs bien aimés,
Je pense que vous avez tous remarqué que l’Evangile d’aujourd’hui, lu d’un trait, paraît assez contradictoire.
Je dirais même plus : sa lecture hâtive donne la forte impression que le Christ notre Seigneur, passe du côté obscur de l’entendement.
Comment peut-on admettre l’histoire du gérant malhonnête qui trouve grâce aux yeux de son maître et, semble-t-il, aux yeux même du Christ ?

Cependant, soyons clairs : dès le départ, Jésus Christ n’admet aucune conduite mauvaise puisqu’étant Dieu, il ne peut exister aucun brin de mal en Lui.
Dieu n’est ni un démiurge ni un être fabriqué à l’image de l’homme.
Il est l’Etre suprême et toute contradiction lui est exclue d’office. Il ne peut être bon et mauvais à la fois.
Ce dont je vous parle n’a rien à voir avec la foi et la théologie. Il ne s’agit que d’un principe logique et philosophique.
Si ces deux principes n’étaient pas en vigueur, Dieu, tel que nous Le connaissons, ne serait purement et simplement pas Dieu. C’est-à-dire l’être parfait et abouti complètement et définitivement, par essence.

Afin de comprendre mieux ce texte d’évangile, mes frères bien aimés, nous devons le relire attentivement; à ce moment-là, nous verrons que deux parties s’affrontent.
La première nous conte l’histoire d’un homme riche qui avait un gérant pas très net dans la gestion de ses affaires. Le Christ narre cette histoire car sa manière d’enseigner s’appuie toujours sur des images et les faits réels, facilement compréhensibles par ses auditeurs.

Dans notre cas, le Christ se sert de la situation propre à la vie des gens de l’époque : le fonctionnaire qui ne fait pas correctement son travail.
Notons le bien : la portée de cet exemple est universelle. Elle est valable pour tous les siècles et tous les pays.
Est-ce qu’aujourd’hui nous ne trouvons pas des agents de la fonction publique et municipale qui se conduisent comme de véritables pachas et pensent avoir englouti toute morale ?
Ils savent toujours mieux que les administrés…
Ne connaissons-nous pas de cas, au niveau national, régional ou local, où la gestion de l’argent public est une véritable gabegie ?
Bref, personnellement, je suis constamment interpellé par les investissements et les projets réalisés par les structures publiques qui, malgré les procédures et les appels d’offres, sont systématiquement et largement plus coûteux que les mêmes réalisations du secteur ou de la personne privés ?

A l’occasion, je vous conseille de vous documenter à partir d’un livre choc qui m’a été recommandé par un couple de notre paroisse.
Ecrit par un certain Jean-Baptiste Léon, il s’intitule : Le livre noir des gaspillages 2019, édité par l’association Contribuables Associés.
Ce livre, via 100 exemples frappants, passe au crible la gestion faite par nos édiles dans un tour de France des gaspillages, avec quelques détours du côté des eurocrates de Bruxelles. Ce livre très didactique, notons-le par honnêteté, révèle aussi les bonnes pratiques.[1]

Mais revenons au texte de l’Evangile.
Le Christ utilise l’exemple du gérant malhonnête qui agit avec habileté non pas pour le louer : Dieu ne loue jamais la fraude et la triche car ce que faisait l’homme en question n’était, ni plus ni moins, que du vol du bien d’autrui.
Si le Christ présente à ses auditeurs cette situation, c’est pour leur faire comprendre une chose des plus importantes :
il n’y pas de gens complètement pourris.

Même les individus les plus crapuleux, de vrais fripons, sont capables, par des manœuvres pas très catholiques ou non, de se faire des amis. Et, au final, il n’y a donc personne d’entièrement mauvais. En chaque être, même le plus blâmable, on trouve toujours un éclat de lumière et de bonté.
Je ne voudrais pas choquer, mais c’est la réalité…
Exemple à l’appui : des criminels de la 2ème guerre mondiale comme Goebbels ministre de la propagande hitlérienne, Höss, commandant du camp de concentration d’Auschwitz, Borman éminence grise du parti nazi…
Tous étaient considérés comme de bons pères de familles, heureux en ménage avec leurs épouses, attentifs à leurs enfants.
Et Staline ?
Peut-être vous souvenez-vous d’une photo de lui faite en 1935 où, tout souriant, il porte dans ses bras sa fille unique Svetlana ?

Mes frères bien aimés, ne pensez pas que je veuille blanchir leurs actes odieux et tellement condamnables. Je me sers de leur exemple comme le Christ se servait de celui du gérant malhonnête, pour souligner que l’homme n’est jamais si corrompu qu’il ne puisse se convertir. Il pourrait toujours le faire, si seulement il le souhaitait.
Seul Satan est intrinsèquement mauvais car complètement aveuglé par l’orgueil : il ne distingue plus la lumière, donc il n’espère rien.

Pour compléter, je partagerai avec vous ma propre expérience tirée des funérailles que je célèbre…
Dieu sait qu’il y en a de belles, priantes, débordantes de foi et d’espérance.
Mais il y a, de temps en temps, des funérailles de petites gens dont l’histoire est banale, sans relief particulier. Leur vie a parfois été chaotique, brisée, humainement ratée ; par conséquent, il est difficile de dire sur eux de grandes et belles choses.
Mais, étonnement, lors des rencontres avec leurs proches ou lors des hommages rendus en fin de cérémonie, j’entends des paroles fortes, positives…
Je ressens de véritables émotions, je vois des larmes sincères.
A ce moment précis, je me tourne vers Dieu pour lui dire :

Tu vois, Seigneur, de l’extérieur, il n’y avait rien qui attirait l’attention dans cette femme, dans cet homme…
Cependant, ils savaient faire du bien aux autres, bien qu’en nombre restreint…
Ils savaient toucher le cœur de l’autre…
Merci Seigneur pour leur vie…
Soit pour eux un père miséricordieux…

Certes, et je pense que nous sommes tous d’accord là-dessus, mes chers frères et sœurs bien aimés, que leur vie aurait pu être meilleure, plus étoffée de bien ; néanmoins, aussi simple et pauvre qu’elle ait pu être, elle n’était pas complètement inutile.
Et c’est dans ce sens que j’aimerais entendre la consigne de notre maître Jésus Christ :
Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande.

 

[1] p.4 in : Tous contribuables n°11 ; www.contribuables.org, juin-août 2019