Dieu exauce-t-il nos prières ? 27ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 6 octobre 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Dieu exauce-t-il nos prières ?
27ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 6 octobre 2019

Lectures :
Ha 1,2-3 ; 2,2-4 : Combien de temps seigneur, vais-je t’appeler au secours…
2 Tm 1,6-8.13-14 : N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur
Lc 17,5-10 : « Seigneur augmente en nous la foi ! »

J’espère, mes chers frères et sœurs, que vous avez bien écouté la première lecture tirée du livre du prophète Habacuc. Elle est toujours d’actualité.
N’est-il pas vrai que Dieu n’exauce pas toutes nos prières ?
Combien de fois, nous, à l’encontre de l’injustice et de la méchanceté, nous tournons-nous vers Dieu en criant :
Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ?
Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent.
Et toi, Dieu, tu ne réagis pas !

Je pense que vous comme moi avez rencontré dans votre vie des personnes comme celle-ci qui disaient :
Je ne crois plus en Dieu. Il est complètement sourd.
Autrefois, j’étais croyant…, je pratiquais, je faisais mes bonnes actions…
Lorsque ma femme est tombée subitement malade, j’ai prié, tellement prié pour que Bon Dieu la sauve.
Rien. Silence !
Après quelques mois, la maladie l’a emportée.
Depuis : c’est fini. J’ai fait mes adieux à ce dieu qui n’entend pas.

De telles histoires ou de semblables qui serrent le cœur et font verser des larmes, nous pourrions en citer tant d’autres…
Face à une tragédie évidente, même les plus croyants et pratiquants restent sans voix.
Que peuvent-ils dire ?
C’est indubitable : Dieu n’a rien fait pour celui qui l’a tant prié…

Si nous commençons à raisonner dans ce sens, évidemment, il n’y aura aucune explication sensée possible. Dieu est donc mis sur le banc des accusés et sort après avoir être jugé, condamné… parfois à mort.

Quant à moi, je vous propose de suivre le texte du prophète Habacuc afin de constater que Dieu a quand même répondu au prophète, mais pas exactement comme il le désirait.
Dieu n’est pas resté sourd à son cri, mais il n’a pas exécuté à la lettre sa demande.
Saisissez-vous la nuance ?
Dans nos prières pour la plupart, nous ne voulons pas entendre la voix du Seigneur. Nous ne voulons qu’il exauce la nôtre.
Nous voulons qu’il comprenne bien nos demandes, et de surcroît, qu’il les réalise, seulement, à notre manière.
Malgré le Notre Père – modèle de toute prière – où nous répétons chaque jour « que ta volonté soit faite », en fin de compte, cette phrase, inconsciemment, résonne en nous de la façon suivante: que ma volonté soit faite !

Certes, nous nous adressons toujours à Dieu tout-puissant, mais nous exigeons qu’il fasse ce que nous voulons. Ainsi, les rôles s’inversent : Dieu n’est plus un Dieu, il ne devient que le domestique personnel de qui lui commande :
Fais-ceci, fais-cela !!!
Si tu ne le fais pas…, je te congédie.

Une fois, dans un grand magasin, j’ai aperçu un couple dans le rayon des jouets. Leur gamin se roulait par terre, tapait des mains sur le sol, criait comme un écorché vif. Impressionnant !
Comme vous le devinez, ce pauvre petit « martyr » de parents visiblement insensibles à son drame voulait les faire plier, pour qu’ils cèdent et achètent ce qu’il désirait.
Ça n’a pourtant pas marché !
Les parents, à mon avis habitués à ce genre de comédie de leur fils, continuaient tranquillement leurs courses…
Personnellement, j’étais en admiration : quel calme, et surtout quels nerfs d’aciers.

Le gamin… voyant que son cinéma ne faisait aucun effet et le public ne le soutenant pas, tout d’un coup arrêta de pleurer, se leva et, comme si de rien n’était, partit en courant rejoindre ses parents.
L’épisode était terminé.
Je n’entre pas dans le détail de cette situation, néanmoins, elle me fait penser à nos prières que Dieu est censé ignorer.
Dieu est comme ces parents. Il voit mieux que nous ce dont nous avons vraiment besoin.
Il ne cède pas aux caprices, même si pour nous le sujet pour lequel nous le prions parait le plus important au monde. Et, subjectivement, c’est compréhensible !
Cependant, d’un point de vue de parents, en l’occurrence de Dieu le père, cette chose-là ne revêt pas forcement la même valeur.
N’oublions pas que, dans sa providence, Dieu voit plus loin…

Vous me direz : réclamer un jouet n’est pas la même chose que demander la guérison de quelqu’un. C’est exact.
Mais qui de vous pourrait être sûr que la mort de notre être cher ne soit pas un acte de miséricorde vis-à-vis de ses proches ?
Que ferait mon protagoniste évoqué précédemment s’il était obligé d’aller à l’hôpital encore pendant 5 ans ou prendre soin de sa femme alitée à la maison pendant 10 ans ?
Ne pestiférerait-il pas contre Dieu qui laisse sa femme souffrir ?

Bien sûr, penser ainsi relève d’une pure hypothèse.
Ni vous ni moi ne savons pourquoi des situations tragiques ont lieu et avons parfois l’impression que le mal prend le pas sur le bien…
Parce que comme l’expliquait saint Paul « notre connaissance est partielle, nos prophéties sont partielles…. Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir… » [1]
La plénitude de la connaissance viendra seulement à l’achèvement des choses, lorsque tout ce qui est partiel sera dépassé. [2]

En attendant, ce que je sais, c’est que Dieu est le père, et moi, je suis son enfant.

Et ce père-là ne veut jamais que je me perdre définitivement.
Parfois, il tolère mes sottises, parfois il subit mes mauvais choix, mais il se tient toujours près, la main tendue afin de saisir la mienne, au cas où je crierais :
aide-moi, papa.

Mes frères et sœurs bien aimés, Dieu le Père veut toujours que nous puissions revenir à la maison, si nous en sommes sortis… Ses bras restent ouverts.
Toutefois, notre retour est possible une fois notre âme redevenue droite.
Le texte du livre du prophète Habacuc précise: le juste vivra par sa fidélité.
Pour moi, c’est un indice clair pour le choix des objets de ma prière.
Car c’est très bien que nous pensions aux autres : il en faut. Néanmoins, il est nécessaire aussi de penser à soi, d’orienter la prière sur nous et de prier de temps en temps comme les apôtres de l’Evangile d’aujourd’hui :

Seigneur augmente en nous la foi.

J’espère que vous avez remarqué, en lisant le Nouveau Testament, que le Christ, opérant les miracles, s’appuyait sur la foi des demandeurs. Là où elle n’était pas au rendez-vous, notre Seigneur, généralement, s’abstenait de faire un prodige.
Le Christ, en premier lieu, n’est donc pas venu au monde pour faire des miracles.
Ils n’étaient que les signes…, dirais-je, des actions collatérales de sa mission principale, à savoir : le salut de l’homme.

Pour finir, mes frères bien aimés, je vous conterai l’histoire suivante :
Un saint et sage vieillard avait l’habitude de dire :
Quand j’étais jeune, j’étais un révolutionnaire et je priais avec zèle :

Seigneur, donne-moi des forces, pour que je puisse changer le monde !

A 40 ans, je me suis rendu compte que la moitié de ma vie s’était déjà écoulée et moi, je n’avais pas fait dans ma vie de choses très importantes.
Alors j’ai commencé à prier :

Seigneur, fais que je puisse changer ceux qui m’entourent.
Seulement ma famille et mes amis, et déjà j’en serais heureux.

Aujourd’hui, alors que je suis vieux et que mes jours sont comptés, je commence à comprendre combien j’ai été idiot et orgueilleux.
A présent, ma seule prière est une supplique :

Seigneur, accorde-moi la grâce de me changer moi-même.

[1] 1 Cor 13,9,12
[2] Cfr., idem 13,10