L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres 24ème dimanche ordinaire, année C – messe d’envoi en mission Le 15 septembre 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres
24ème dimanche ordinaire, année C – messe d’envoi en mission
Le 15 septembre 2019

Lectures :
Ex 32,7-11.13-14 : Moïse apaisa le visage du Seigneur
Tm 1,12-17 : Je suis pleine de reconnaissance pour celui qui me donne la force
Lc 15,1-32 : version brève – parabole de la brebis perdue et d’une pièce d’argent

Chers frères et sœurs bienaimés, venus ici pour célébrer le jour du Seigneur avec d’autres membres de sa famille de disciples…
Aujourd’hui, je m’adresse particulièrement à ceux d’entre vous qui ont décidé de s’engager au service des petits, des enfants et des jeunes de notre communauté paroissiale….
C’est vous, à la fin de cette Eucharistie, qui serez envoyés en mission pour donner le meilleur de vous-même à ceux qui sont l’Eglise du futur – l’Eglise de demain.

C’est une grande responsabilité que je vous confie au nom de notre paroisse, mais surtout, c’est une passionnante tâche de transmettre les valeurs de l’Evangile.
Par vos paroles et par vos actes, l’héritage que le Christ a légué à ses apôtres sera remis aux nouvelles générations !

Ces dernières, influencées par les temps dans lesquelles elles vivent, où tout ce qui revêt la moindre patine du passé est systématiquement remis en question, ne sont pas forcément dociles et toutes prêtes à accueillir les bonnes paroles du salut.

Elles sont parfois impatientes et rebelles comme ce peuple juif qui, ne voulant plus attendre leur chef Moïse, commença à douter de l’existence du vrai Dieu à cause de son silence, comme nous le décrit ce fragment du livre de l’Exode que nous avons entendu en première lecture.
Alors, il vous faudra donc descendre des hauteurs de vos certitudes
– à l’instar de Moïse qui quitte le mont Sinaï après un long entretien avec Dieu – pour se retrouver au milieu de son peuple en train d’adorer un veau d’or
– une idole faite de leur propre mains…
Et Dieu sait que notre époque n’en manque pas… puisque le plus emblématique et omniprésent est l’«écran».

N’importe qu’il soit celui du smartphone, de la tablette ou du poste de télé : il sépare efficacement son utilisateur des autres… et même de sa propre capacité à réfléchir personnellement, indépendamment de la mode du moment.
C’est donc à vous de descendre au milieu de ce jeune peuple en quête de dieux, qui, dans la plupart des cas, se révèlent faux et mortels, pour lui rappeler l’existence du vrai Dieu, du Dieu unique : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob qui s’est manifesté au monde par son propre Fils, Jésus, et qui l’accompagne depuis par L’Esprit Saint.
Comme Moïse, ne soyez pas scandalisés par la faiblesse ni de ces petits pour lesquels vous serez envoyés ni de celle de leurs parents…
Que le rôle de Moïse – à savoir corriger les erreurs et apaiser le visage de Dieu – soit également le vôtre.

D’autre part, il faut que deveniez de véritables bergers qui n’abandonnent pas la moindre petite brebis de leurs troupeaux mais qui, bien au contraire, la recherchent avec détermination.
Soyez obstinés comme cette femme dont nous parle aussi notre Seigneur dans l’Evangile du jour qui, possédant dix pièces d’argent, en a perdu une.
Elle ne baisse pas du tout les bras…
Elle ne se dit pas : tant pis, il m’en reste encore 9 !
Bien au contraire, elle allume la lampe, balaye la maison et la cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle la retrouve !

Je vous remercie d’avance pour votre travail, mes chers amis, car votre mission demande à la foi bienveillance et persévérance.
Soyez-en bien conscients !

Cependant, votre mission ne devra pas se limiter aux actions extérieures.
Oui, je sais ce que vous me direz : le mot « mission » équivaut au mot « envoi ».
Alors, celui ou celle qui part en mission, forcément et logiquement, doit partir de chez soi pour aller quelque part, vers les périphéries, selon l’expression répandue du pape François.
D’ailleurs l’expression « aller aux périphéries », « ne pas rester enfermé », « paroisse missionnaire » ou « Eglise en marche » fusent dans l’actuel langage ecclésiastique.

Dans deux semaines d’ailleurs, le mois entier sera voué à la mission.
Ainsi, des gens s’activent, se mobilisent, en se donnant pour but de faire quelque chose et se convaincre qu’ils sont tous en mission.
Certes, il est important de garder l’Eglise ouverte, en mouvement, c’est-à-dire catholique et apostolique.
Par contre, j’ose affirmer que la mission n’est pas l’essence de l’Eglise.
Ce n’est que son mode opératoire, sa manière de procéder, sa façon de grandir…

Par essence, elle doit être configurée au Christ, à la fois son fondateur et sa tête.
L’Eglise sans le Christ n’est plus l’Eglise, quand bien même elle aurait des projets pastoraux nombreux et fabuleux.

Excusez-moi, à cause de la bougeotte missionnaire, le véritable contenu – le vrai message de l’Evangile – passe parfois, et même souvent, à la trappe, tant nous sommes obsédés par la recherche de nouveaux adeptes pour nos paroisses et nos communautés et que nous en oublions finalement le pourquoi de notre démarche.
Combien de fois le seul critère de réussite d’une initiative pastorale devient-il le nombre de participants. Autant le chiffre est élevé, autant le projet est considéré comme valable et utile.
Rarement nous nous posons la question :

Donne-t-elle lieu à une rencontre personnelle avec le Christ ?
Lui et sa bonne nouvelle que l’homme est sauvé
ont-t-ils été au centre de l’action médiatiquement réussie ?

Pardonnez ma franchise mais nous, chrétiens d’aujourd’hui, nous nous emparons de sujets faciles et à la mode, espérant gagner un peu d’audience dans les médias.
Le dernier exemple en date: l’écologie.

Ainsi, on crée des paroisses vertes, des jardins solidaires, on soutient le commerce équitable, la décroissance, la cause animale…
Bien sûr, et cela est sans discussion, toutes ces initiatives sont bonnes et méritent notre engagement.
Mais néanmoins, si au fond d’elles-mêmes le Christ n’apparait pas, à quoi bon les réaliser en tant que communauté de croyants ?

Pour être écolo, solidaire, économe, nul n’est besoin de croire !
L’Eglise, si elle s’engage dans les différents projets humains, c’est pour y ajouter une importante dimension, la dimension eschatologique dont le Christ est garant : le salut.
Je vous rappelle que notre Seigneur n’a pas donné sa vie pour que ses disciples cultivent des légumes bios ou assurent les animations culturelles dans le village !
Il a offert sa vie pour que tout homme, bien que pêcheur, puisse se convertir à Lui, qui est le Chemin, la Vérité et la Vie.
C’est ça, la première et fondamentale mission de l’Eglise.[1]
Tout autre projet devrait en découler naturellement.

Chers amis, missionnés auprès des enfants et des jeunes de notre paroisse, je vous sais gré pour votre engagement.
Néanmoins j’aimerais qu’avant de partir en mission ad extra, vous partiez d’abord pour une mission ad intra.
Commencez par vous-même.
C’est vous, votre intérieur, votre cœur, vos pensées, vos jardins secrets qui sont les lieux les plus difficiles à atteindre…
Ils sont de véritables périphéries à missionner.
Evangélisez donc surtout vous-même…
Eclairez toutes les zones obscures qui sont en vous…
Balayez les objections stagnant dans les différents recoins de votre âme….
Devenez Saul qui, une fois ébloui par la lumière du Christ, se mue en Paul, apôtre des nations, missionnaire à part entière.
C’est lui, justement, qui nous livre ses confidences dans sa lettre à Timothée :

Je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force,
le Christ Jésus, notre Seigneur, car il m’a estimé digne de confiance
lorsqu’il m’a chargé du ministère,
moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur, violent.
Mais il m’a été fait miséricorde…

Mes chers amis,
Quand vous-même deviendriez des hommes et des femmes à qui a été fait miséricorde, dès lors vous deviendriez de vrais missionnaires.
Vous ne parlerez plus de choses qui vous semblent lointaines, mais vous deviendrez des témoins capables de transmettre vos propres expériences.
Ainsi, votre mission deviendra féconde par la force de l’Esprit et l’authenticité de votre vie.
Le saint pape Paul VI, dans son texte consacré à la mission, écrivait, cela fait déjà 44 ans :

L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres –
ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins.[2]

La voilà, la mission précise pour cette année et pour vous, chers amis :

Devenez plus des témoins du Christ que des maîtres auprès de nos jeunes !!!

Amen

 

[1] Cfr., Paul VI, Evangelii nuntiandi, le 8 décembre 1975, n° 16:
Il y a donc un lien profond entre le Christ, l’Eglise et l’évangélisation. Pendant ce “ tempus Ecclesiae ”,
c’est l’Eglise qui a la tâche d’évangéliser. Cette tâche ne s’accomplit pas sans elle, encore moins contre elle.
N° 27 : L’évangélisation contiendra aussi toujours – base, centre et sommet à la fois de son dynamisme –
une claire proclamation que, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, le salut est offert
à tout homme, comme don de grâce et miséricorde de Dieu.[57]

[2] Cfr., Paul VI, Evangelii nuntiandi, le 8 décembre 1975, n° 41: