Homélie : 13éme dimanche du Temps ordinaire, année B 1er juillet 2018

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Le derrière de l’autruche
13 dimanche du Temps ordinaire, année B
1 juillet 2012

Lectures :
Sg 1,13-15 ; 2,23-24 : Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable.
2 Cor 8,7.9.13-15 : Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous…
Mc 5,21-43 : Résurrection de la fille de Jaïre et guérison d’une femme

Manque de chance, mes frères et sœur bienaimés… le sujet fastidieux que nous proposent les lectures liturgiques fixées pour le 13ème dimanche du temps ordinaire, ne tombe pas au meilleur moment.
Tandis que nous sommes à peine à quelques heures de notre rendez-vous annuel, au barbecue paroissial où la bonne humeur et la joie sont de mise, les textes d’aujourd’hui nous parlent de la mort.
C’est une réalité mal vue à notre époque. On l’occulte, on n’aime pas en parler publiquement, on la camoufle sous le tapis du quotidien, on la refoule à la chambre funéraire des maisons gériatriques. Bref : on la tient loin de notre vie, comme si elle était contagieuse du simple fait d’exister.
Personnellement, je comprends parfaitement cela….

Car tout de même, d’un autre côté, la mort, qu’on le veuille ou non, fait partie de notre vie, même si cela paraît totalement paradoxal : la mort et la vie, à première vue, ne font pas un bon ménage.
Néanmoins, je me suis dit : peut-être qu’il n’est pas si mal que le dimanche de la rencontre festive de notre paroisse tombe sur le sujet qui crée un désarroi.
Même chez nous !
Même nous, ne savons comment réagir face à la mort.
Particulièrement, cela est vrai, lorsqu’elle arrive soudainement, par derrière, à l’âge où l’on ne l’attend pas du tout.
Dimanche dernier, le décès d’une crise cardiaque de mon prédécesseur, l’abbé Eric Pépino , mon cadet de deux ans, nous place pourtant bien devant la réalité que la vie terrestre prendra fin un jour. Et cette fin peut survenir à tout moment…

Qui donc est responsable de cette logique des choses ?

Ici, je touche le point sensible.
Même nous, mes frères bienaimés, nous pensons – ou tout au moins ne le défendons pas bec et ongle si une telle hypothèse est avancée – que Dieu en personne en est partiellement responsable.
Face à cette accusation rapide, dans la plupart des cas, les chrétiens – c’est-à-dire nous – restent bouche cousue. Le silence est d’autant plus évident lorsque la mort survient brusquement ou à la suite d’une violence gratuite, ou encore lorsqu’elle atteint une personne très jeune… un enfant par exemple.
Dans ces moments-là et à juste titre, la révolte est forte chez les personnes directement touchées. Leur cri déchirant de douleur nous touche profondément…. On le comprend parfaitement.
En revanche, ce qui n’est pas à digérer facilement, c’est que les gens, principalement ceux qui ne pratiquent pas leur foi ou la pratiquent en dents de scie, tendent le poing vers le ciel en hurlant :
Pourquoi ?
Pourquoi, Tu nous fais ça ?
Tu oses encore te dire bon ?!

Nous, témoins de la scène, très souvent, nous nous taisons de peur d’être pris à partie et d’être mis sur la sellette avec notre Bon Dieu, qui visiblement, ne l’est pas tant que ça !
Ainsi, par crainte, lâcheté ou fausse compassion, afin de ne pas ajouter une peine à une autre, nous ne disons rien, nous ne rectifions rien, nous nous tenons cois… Nous attendons plutôt que le temps fasse son œuvre et que la souffrance s’estompe chez les personnes concernées…. et que la situation revienne à la normale….

Je pense que ce n’est pas une bonne attitude. Elle n’a rien de courageux….
Observez bien : à haute voix des gens accusent Dieu d’impuissance et de mauvaises intentions. Ils se moquent de Lui, comme c’était le cas des voisins du chef de la synagogue à Capharnaüm, Jaïre… Ils se moquent et rient au nez du Christ lorsqu’il dit : pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort.

Et nous, face à une telle situation, nous, dépositaires des paroles de vie et d’espérance, nous nous taisons !
Quand les gens sont touchés par un malheur, ou fortement interpellés par lui, ou remontés comme il n’est pas possible, nous, les disciples du Christ pas sûrs de nous-même, nous nous retirons sur la pointe des pieds de leur champs de visuel.
Comme l’autruche, nous mettons donc la tête dans le sable, jusque qu’à ce que l’orage passe…

Toutefois, savez-vous bien ce que l’autruche montre, lorsque sa tête est en sable….
Passez-moi l’expression : elle montre son derrière….
Tout prêt et exposé à se faire battre…
Et le monde ne nous rate jamais, ou presque…

Mes frères et sœurs bienaimés, cette manière de penser ne porte pas de bons fruits. Elle ne fait pas avancer le dossier. Bien au contraire : elle enfonce plutôt
le clou…, permettant de penser que Dieu est à l’origine du mal… dont la mort.

Comment faire, donc ?

En allant directement au fourneau !
N’ayons pas peur d’affronter les sujets épineux.
Ne reculons pas devant le compassionnel et le sentimental qui faussent la réalité et empêchent d’en extraire la vérité.
Même si le combat est dur et les oppositions virulentes, les gens nous y attendent.
Au fond d’eux, ils savent qu’il devrait être une issue à l’impasse que la mort inflige à l’humanité.
Ils ont besoin d’une véritable espérance qui n’est pas bâtie seulement sur des paroles obséquieuses mais sur le concret, sur le roc, sur quelque chose de fiable…

Vous savez, parfois je dis aux gens que je préfère célébrer des funérailles que les mariages….
Les gens en sont scotchés : les funérailles ? Mon père, c’est triste, et combien c’est difficile à admettre. Le mariage est une toute autre chose : c’est gai, ouvert, glamour… tout le monde sourit !
Oui, je leur réponds que tout cela est bien vrai.

Cependant, un seul détail donne l’avantage considérable aux funérailles, même si les gens sont crispés, divisés au sujet de l’héritage familial, terrassés par la perte d’un être aimé, en colère contre le Bon Dieu, son Église, le curé et tutti quanti !
Même si l’assistance n’est pas d’ores et déjà bien disposée et les circonstances ne se prêtent pas à la bonne humeur, les gens présents à la cérémonie écoutent ce qu’on leur dit !
Au moment où les gens sont interloqués par la mort, désemparés par le départ d’un de leurs êtres chers, ils écoutent attentivement ce que je veux partager avec eux. Et ils en sont réconfortés… Ils sortent des funérailles enrichis….

Certes ne deviennent-ils pas tout de suite des piliers d’église car, trop souvent, ils se sont éloignés d’elle et de la foi depuis des décennies. Néanmoins, dégagés de cette image erronée de Dieu, ils apprennent la vérité sur la mort et sur la vie.
Et elle est la suivante, écoutez-là attentivement :
Dieu n’a pas fait la mort,il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité.
C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.
Avez-vous bien entendu !
Je ne vous ai rien dit de nouveau.
Je vous ai relu tout simplement le texte du livre de la Sagesse.
Il n’y a rien à rajouter sauf les mots du Christ entendus au cours de l’Évangile.

Talitha koum !

C’est-à-dire : lève-toi, mon frère, ma sœur, émerge de ta frilosité ; dépasse ta zone de confort, débarrasse-toi de la hantise d’être considéré comme excessivement croyant.
Lève-toi pour la vie…
Ton réveil fera du bruit…. et ce bruit réveillera les autres !