Le Sens est devenu chair Messe du 25 décembre 2019, année A

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Le Sens est devenu chair
Messe du 25 décembre 2019, année A

Lectures :
Is 52,7-10 : Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager…
Hbr 1,1-6 : A bien des reprises et de biens des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères…
J 1,1-18 : Au commencement était le Verbe…

Après le réveillon passé en famille et de belles messes de veillée de Noël, avec des églises pleines à craquer un peu partout, nous nous retrouvons ce lendemain matin pour méditer un peu plus au calme le mystère
de l’incarnation… le mystère du Verbe qui s’est fait chair pour habiter parmi nous.
Néanmoins, avant que nous y pensions vraiment, je voudrais que nous réfléchissions à notre propre langage et les paroles qui le constituent.
Savez-vous, mes chers frères et sœurs bien aimés, combien de paroles nous prononçons chaque jour ?

16 milles en moyenne !
Certaines études augmentent même ce chiffre si elles prennent en compte les particularités féminines, prétendant que les femmes parlent plus que les hommes.
Bien évidemment, les courants féministes contestent ces résultats, les traitant de vieux stéréotypes et de clichés misogynes. A l’affut de l’égalitarisme à outrance jusqu’au nombre de paroles, il faut que la parité soit appliquée à la lettre…
Passons.

Quant au débit oral des médias, il est calculé à 200 mots minutes.
Pas mal, n’est-ce pas ?
Alors, sans entrer trop dans les détails desdites données, chacun de nous est bien conscient qu’il parle… parfois beaucoup, ce qui n’est pas un crime en soi.
N’oublions jamais que les paroles sont de formidables outils de communication et que, sans elles, la vie en serait considérablement appauvrie.
Combien de soirées entre amis, ennuyeuses, voire ratées, si les paroles de bons orateurs ne nous divertissaient point ?

Combien de livres ne seraient jamais écrits si les auteurs étaient trop économes ?
Pas d’argumentation, ni de persuasion sans parole. Nous parlons à longueur de temps. La parole nous est naturelle, consubstantielle même. Par la parole, nous donnons sens, nous exprimons, nous échangeons, nous comprenons, nous concevons et nous agissons. [1]

Alors, il est bien que nous parlions…
Et ce n’est pas cela que je voudrais mettre en cause…
J’aimerais juste que nous puissions nous interroger sur la qualité de la parole que nous prononçons.
Notre parole est-elle édifiante ?
Relève-t-elle, soigne…, fait rêver ?

Comme nous l’avons entendu lors de la proclamation de l’Evangile, la Divine Parole est concrète. Elle crée. Elle s’incarne.
Elle n’est pas du vent.
Elle agit…
Elle sauve…

Et la mienne ?
A-t-elle du sens, de la valeur ?
Je ne voudrais pas que nous glissions dans la culpabilité…
J’aimerais par contre que nous prenions plus au sérieux ce que nous donnons à l’autre à travers la parole.

Vous savez : les mots ont une puissance.
Les paroles que nous prononçons peuvent nous poser beaucoup de problèmes dans la vie car ce que nous disons aujourd’hui, nous le vivrons demain.
Nous devons donc être responsables de ce que nous disons.
Les mots sont comme des graines que nous semons : lorsque nous disons quelque chose, nous semons une graine qui va ensuite prendre vie. Tout ce que nous proclamons de notre bouche peut, à un moment donné, devenir réalité.
Vous n’en avez peut-être pas encore conscience, mais vous prophétisez sans cesse sur votre avenir. Que ce soit sur votre lendemain ou sur l’année suivante, vos mots influent votre futur. [2]

Par conséquent, le jour de Noël, prenons soin à ce que nous allons dire aujourd’hui… demain… après-demain…
Evitons les palabres omniprésents dans les médias et dans les discours officiels… même dans les discussions de tous les jours… parce qu’il pourrait nous arriver ceci, comme dans l’anecdote suivante :
Un conférencier, après son long exposé, descend de la scène pour remercier une personne restée jusqu’au bout, alors qu’une forte partie de l’assistance était déjà partie.
Alors, il lui dit :
– C’était vraiment gentil de votre part de rester jusqu’à la fin.
– De rien, Monsieur… je suis tout simplement le prochain conférencier.

Mes chers frères et sœurs bien aimés,
Comme mot de conclusion, je vous offre une pensée du bon vieux pape émérite Benoit XVI :
Ce qui est arrivé à Noël, c’est la naissance du fils de Dieu, quelque chose d’extraordinaire qui dépasse notre imagination et notre entendement, un événement pourtant qu’on a toujours attendu et qui était, de fait, nécessaire. Ce qui est arrivé, c’est que Dieu est entré dans notre monde et est venu parmi nous […].
Le sens éternel du monde est venu si près de nous en cet événement que nous pouvons le toucher de nos mains et le voir de nos yeux. Ce que Jean appelle la «Parole » est, après tout, beaucoup plus que cela. Dans la pensée grecque de l’époque, le mot désignait aussi le « sens ».
Il ne serait pas faux en conséquence de traduire la phrase ainsi :

« Le Sens est devenu chair. » [3]

Que nos paroles, mes chers frères et sœurs, aient également plus du sens…

Amen

[1] Cfr. ; Bertrand BUFFON, chapitre 1 : L’homme et la parole, dans La parole persuasive (2002), p.19-33

[2] Bernard Emkeyes, La puissance des mots (3 partie), in : https://emcitv.com/bernard-emkeyes/texte/la-puissance-des-mots-partie-3-43519.html

[3] Benoit XVI