Nous ne sommes pas nés seulement en possession de notre franchise mais aussi avec affectation de la défendre Assomption le 15 août 2021

Publié le Publié dans Homélies

Lectures :

Ap 11,19a ; 12,1-6a.10ab : …une femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds…

1 Co 15,20-27a : Le Christ est ressuscité d’entre les morts pour être parmi les morts le premier ressuscité.

Lc 1,39-56 : Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne.

Il y a quelques temps, j’ai reçu pour le sacrement de la réconciliation               – communément appelé la confession – une personne qui m’a partagé ses inquiétudes et ses incompréhensions face à ce qu’elle entend, vit et affronte dans son quotidien, pour me dire à peu près ceci :

 « Mon Père, au fond, je voudrais confesser que je manque d’espérance.
Je me laisse donc aller car je finis par être submergé par tout ce qui se passe en ce moment.

D’ailleurs, ce que cette personne avouait n’est pas complètement nouveau pour moi: d’autres gens m’en ont également parlé.

Les sujets sont vastes : le pass sanitaire, la liberté bafouée, le dernier motu proprio du Pape, l’abaissement qualitatif de la classe politique, la marchandisation du corps humain, l’effacement de la culture et de l’histoire, jusqu’à l’extinction des repères…

Malgré la multiplicité des sujets et leur portée différente, tous manifestaient une inquiétude frôlant l’angoisse.

Où va-t-on ?

Comment réagir face au processus qui nous dépasse ?

A tout ceci, je réponds cash ! : quand un monde se défait, quand une maison s’écroule, seuls demeurent ceux qui ont une volonté d’acier et foi en Dieu qui étend sa miséricorde sur ceux qui le craignent.

Les superbes et les puissants passeront à la trappe un jour, seuls les humbles et les assoiffés de justice seront sauvés.

Ne nous voilons pas la face, chers frères et sœurs bienaimés : pas tous seront sauvés ! Contrairement aux réponses soporifiques faites pour ne pas troubler
la quiétude des gens qui ne font aucun effort et pensent qu’avachis sur leur canapé ils arriveront à passer la porte étroite du Royaume des cieux.

Car, et même si c’était le cas, ils ne passeraient pas, justement, leur canapé étant beaucoup trop large.

Pour passer la porte étroite dont parle le Seigneur, il faut être debout et droit.

Alors, face aux contraintes, maintenons-nous au-dessus de la mêlée.

Les situations troublantes ne sont pas nouvelles. L’histoire du monde, notamment de l’Eglise, en est remplie.

Même en lisant le texte de l’Apocalypse, nous constatons déjà l’affrontement violent : une femme enceinte, figure de Marie qui porte en elle le fils de Dieu, est poursuivie par le dragon rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, un monstre terrifiant, donc !

Un monstre qui, sur chacune de ses têtes, porte un diadème, symbole de pouvoir.

Cette pauvre femme, quelle force a-t-elle pour affronter cette bête féroce qui veut, ni plus ni moins, dévorer l’enfant de la femme ?

Son combat semble perdu d’avance : on n’y décèle aucun équilibre, aucune espérance… jusqu’au moment où Dieu s’en mêle.

Et voilà ainsi la victoire, voilà le retournement de situation.

Ce qui semblait complétement perdu gagne la bataille.

Et une voix forte peut proclamer :

« maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu,

voici le pouvoir de son Christ ! »

Et pourtant, y croyons-nous vraiment ?

       Vous savez, c’est toujours le même mode opératoire du malin, surnommé le mauvais ou Satan : il mine le moral de la troupe.

Laisse tomber… A quoi bon continuer, regarde les autres ?

Tu es seul… Tu n’as aucune chance de gagner…

Et même si tu gagnes, à quoi servira ta victoire dont les autres ne veulent plus ?

        La Boétie, juriste et écrivain humaniste du XVI siècle, dans son Discours de la servitude volontaire le remarquait déjà :

tant d’hommes, tant de nation endurent quelques fois un tyran seul, qui n’a puissance que celle qu’ils lui donnent ; qui n’a pouvoir de leur nuire, sinon qu’ils ont pouvoir de l’endurer ; qui ne saurait leur faire mal aucun, sinon lorsqu’ils aiment mieux le souffrir [1] que le contredire.

Notre adversaire, quel qu’il soit, Satan, le chef d’état ou une personne malveillante n’ont de pouvoir que celui que nous lui accordons.

De nous dépend réellement la force de l’autre !

Si notre peur augmente, notre hésitation grandit, notre moral baisse, donc la force de l’autre croît. C’est ainsi.

Dans le cas contraire, elle baisse.

Pour cela, je vous l’ai dit, et à moi en premier : à la suite de notre Seigneur, soyons parfait comme notre père céleste est parfait.

Et cela n’est pas une option, c’est notre objectif.

La Boétie le disait ainsi : nous ne sommes pas nés seulement en possession de notre franchise mais aussi avec affectation de la défendre.[2]

          Mes frères et sœurs bien aimés, je finirai par ces quelques mots sur un petit livre que j’ai lu en réfléchissant aux sujets à aborder aujourd’hui, en la solennité de l’Assomption. Il est intitulé : Comment être Chrétien dans une société païenne[3].

Etonnement, ce n’est pas un livre écrit dans les temps qui sont les nôtres, laïcisés à outrance et paganisés à tout va.

Ce livre a 1700 ans !

Il contient les réponses concrètes du Concile d’Elvire en Espagne qui s’est tenu en l’an 300, dans la situation qui était celle des chrétiens de l’époque.

Si vous vous en souvenez bien, c’était encore au moment où la foi catholique était persécutée. Elle n’était reconnue par aucun Etat. Des persécutions éclataient régulièrement contre les Chrétiens dont la situation était précaire et instable, leur survie toujours incertaine.

Alors, que décidèrent donc les Evêques et les prêtres de l’époque ?

Baisser la garde, s’adapter au courant dominant ?

S’en accommoder pour se fondre et devenir ainsi invisibles aux yeux du monde ?

Rien de tel !

Leurs décisions allèrent dans le sens contraire. Leurs exigences augmentèrent, et je peux vous dire qu’elles étaient sévères.

A titre d’exemple, accrochez-vous :

si un citadin n’est pas allé à l’église trois dimanche de suite, qu’il soit tenu à l’écart pour un peu de temps, afin que la correction soit visible.[4]

Et encore une autre : si un baptisé est délateur, et que par sa délation quelqu’un est proscrit ou tué, il a été décrété que même à la fin de sa vie il ne reçoive la communion.[5]

        Bien sûr, je ne cite pas ces phrases pour vous faire peur mais tout simplement pour vous faire comprendre que si nous voulons nous en sortir, il faut que ce soit par les honneurs, non par la déchéance.

Face au délitement de la culture, des mœurs et de la classe politique, nous devons vivre de manière irréprochable, avec une foi forte enracinée en Christ.

Regardez, en l’an 300, les évêques de l’époque n’ont pas baissé la garde :
ils ont même rappelé sévèrement leurs ouailles à l’ordre.

Et 12 ans plus tard… A peine 12 ans plus tard, c’est-à-dire même pas une génération, l’empereur Constantin gagna sa bataille décisive sur le pont de Milvius à Rome malgré que ses forces militaires soient inferieures.

En signe de reconnaissance, quelques mois plus tard, il reconnut la foi chrétienne comme légale dans tout l’empire romain. Et, quelques années plus tard, il demanda pour lui-même le baptême.

Vous voyez ?

Et vous savez peut-être sur quel signe il a gagné son combat pour le trône ?

Juste avant de livrer la bataille décisive face à son adversaire Maxence, il a vu un grand signe dans le ciel qui lui est apparu sous la forme d’un chrisme, symbole formé de la conjonction des lettres grecques Chi et Rho (XP), soit les deux premières lettres du mot Christ. Constantin a vu les paroles suivantes : Εν Τουτω Νικα, ce qu’ontraduit en français : par ce signe, tu vaincras ![6]

Bien qu’encore païen à cette époque de sa vie, Constantin décida de faire apposer ce symbole sur les boucliers de tous ses soldats.

Quant à nous, depuis de notre baptême, nous sommes déjà marqués du signe du Christ… Nous portons même son nom… nous sommes chrétiens…

Alors, confiance, mon frère, ma sœur…

Regarde l’étoile
Invoque Marie

Si tu la suis, tu ne crains rien

Regarde l’étoile
Invoque Marie
Elle te conduit sur le chemin…

                                                                       Amen.


Père Przemek KREZEL, curé +


[1] La BOETIE, Discours de la servitude volontaire, GF Flammarion, 2016, p.108/109

[2] Idem., p.89 et 119

[3] Comment être chrétien dans une société païenne ?, éd Sainte-Madeleine, Le Baroux 2020, p.66

[4] Idem., Canon 21, p.29

[5]Idem., Canon 73, p.53

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_du_pont_Milvius