In hoc signo vinces Dimanche de la Résurrection, année C, le 21 avril 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierret St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

In hoc signo vinces
Dimanche de la Résurrection, année C, le 21 avril 2019

Lectures :
Act 10,34a.37-43 : quiconque croit en Jésus reçoit par son nom le pardon de ses péchés…
1 Cor 5,6b-8 : …vous qui êtes le pain de Pâque, celui qui n’a pas fermenté.
J 20,1-9 : Il vit, et il crut.

Cette dernière semaine de Carême, bien des choses se sont passées.
Dimanche dernier, les apôtres entraient dans Jérusalem avec le Christ reçu royalement. Les foules l’acclamaient et reconnaissaient que Lui était l’envoyé du Seigneur.
Sans doute les apôtres en étaient-ils fiers. Ils se savaient du bon côté de l’histoire et que le choix qu’ils avaient fait de suivre Jésus était bon.
Ainsi, nous, disciples du Christ, devons-nous également nous réjouir chaque fois que notre Sainte Mère l’Eglise est à l’honneur et que le Christ est acclamé, même par des païens.

Cependant, le dimanche des Rameaux n’est pas une fin en soi.
Au fil de la semaine, la situation évolue.
Au Cénacle déjà, l’ambiance est lourde. Le Christ parle de sa Passion.
Il annonce que celle-ci est proche et qu’il ne peut pas reculer devant la tentation de tout abandonner.
Mais la douceur de la Sainte Messe célébrée pour la 1ère fois verse du baume au cœur des apôtres. Ils communient au corps et au sang du Christ.
Peut-être pensent-ils que la Passion et le sacrifice de leur maître est, en fin de compte, une métaphore et qu’au final, le Christ souffrira uniquement symboliquement… Peut-être pensent-ils qu’après la Pâque fêtée à Jérusalem, Jésus reviendra avec eux en Galilée comme s’il ne s’était rien passé et que, comme avant, il enseignerait les gens qui viendront à Lui ?
La sortie de Judas et l’annonce de la trahison de Simon Pierre troublent l’esprit des apôtres mais ils persistent à croire que tout restera comme avant.

Nous ne les voyons pas tellement préoccupés par l’avenir, même si celui-ci s’avère compliqué, voire éprouvant.
Ainsi, tout bonnement, ils s’endorment dans le jardin des oliviers, alors qu’ils doivent prier : l’heure de la Passion est proche, et eux, allongés, enroulés dans leurs manteaux, ronflent sous le ciel étoilé.
Ils ont de la chance…, le temps est doux, les branches d’oliviers légèrement animées par le vent les bercent.

Le réveil est donc brutal.
Ce lieu si calme s’agite en un seul instant.
Les apôtres réveillés brusquement, énervés, en viennent vite aux mains avec les serviteurs des archiprêtres.
Le Christ intervient…et se laisse capturer.
A ce moment-là, les disciples disparaissent : ni vu, ni connu…
Ils ont bien réalisé que l’annonce de la Passion n’est pas une métaphore mais un réel danger.
La crucifixion du Christ l’a confirmé.

Nos chers apôtres ont donc compris que quelque chose est achevé – qu’ils ont atteint le point de non-retour.
Les disciples d’Emmaüs témoignent de l’état d’âme des apôtres et de leurs associés : la résignation générale.
Certes, ils ont vécu de belles choses avec le Christ, ils ont beaucoup appris de Lui, ils ont assisté à des choses inouïes : des guérisons, la multiplication des pains, même la résurrection d’un certain Lazare, mais à présent, tout cela est terminé, il faut revenir aux affaires ordinaires car l’épisode de leur vie avec le Christ semble être close – scellée pour toujours par une pierre tombale.

Or, l’Évangile de ce dimanche ouvre un chapitre nouveau dans la vie des apôtres. La nouvelle du tombeau vide est invraisemblable.
Ils ne peuvent y croire.
Toutefois, lorsque la foi défaille, la raison prend le relai. C’est ce qu’il se passe chez les apôtres : Jean et Pierre courent vers le tombeau. Ils sont pressés, ils veulent vérifier l’état des lieux et la justesse des nouvelles sensationnelles relatées par des femmes.

Une fois arrivés, St Jean note un constat manifeste qui à lui se présentait : il a vu et il a cru.
L’espoir que l’histoire – leur histoire avec le Christ – continuerait, s’est réanimé. Tous les deux commençaient à espérer que ce que leur Maître disait de sa résurrection, était tout simplement vrai.

Quelle bonne nouvelle !
Un véritable Évangile : le Christ est ressuscité. Il est vivant, Alléluia !

Mes frères et sœurs bienaimés,
Combien de fois, nous, catholiques donc disciples du Christ, pensons qu’il n’y a plus d’avenir pour nous ?
Combien de fois cédons-nous au désespoir, à l’hostilité, aux pressions médiatiques ?
Combien de fois, ne croyons-nous plus que ce que le Christ disait de sa résurrection est vrai ?
Il y a quelques années une enquête a révélé qu’un français sur dix ne croit pas à la résurrection…

Pour justifier notre docte pessimisme, nous nous référons aux statistiques qui ne nous sont pas favorables et sur les intellectuels qui déclarent que la France d’autrefois est morte.
Cependant, le fait en soi absolument tragique, l’incendie de Notre-Dame de Paris, prouve étrangement le contraire.
Seulement quelques heures après, le choc encaissé était tel qu’on imaginait déjà en ruine toute la cathédrale… La Une des articles de presse parus le lendemain, mardi dernier, étaient univoque : Le désastre ! l’Impensable ! Des larmes et des flammes ! Notre DRAME de Paris ! [1]

Par contre, peu de temps après, un élan de générosité s’est levé… et ce qui paraissait impossible seulement la veille était devenu réalisable.
On voyait Notre-Dame de Paris anéantie à l’image de la France catholique, et, finalement, on s’est aperçu qu’elle est déjà en reconstruction car l’échelle des dons permettra de la rebâtir encore plus belle !

Incroyable n’est-ce pas, frères et sœurs bienaimés ?
D’un seul coup, tout le monde s’est senti croyant, la prière leur venait spontanément à l’esprit… Les journalistes qui, ces derniers temps, ne nous épargnaient pas, devenaient tout à coup bienveillants et respectueux.
A présent s’interrogeaient-ils même : l’incendie de Notre Dame de Paris profiterait-il à l’Église catholique ?
Évidemment, leur regard est purement sociologique, basé sur la conjoncture du moment. Cela n’empêche qu’une vérité enfouie dans la mémoire collective ressort au grand jour :

Qu’il aille ou non à l’église, le français a les évangiles dans le sang.

Ainsi, la formule d’André Suarès, poète et écrivain français, mort en 1948, prend soudain tout son sens. Soudain, toutes les querelles sur les racines chrétiennes de la France deviennent vaines et ridicules. Si évidentes que tout argument parait superflu. [2]

Mes chers frères bienaimés,
Qu’on le veuille ou non, nous devons admettre que durant cette semaine sainte 2019 il s’est passé quelque chose d’important.
Encore dimanche soir, nous étions assoupis sur le canapé, campés sur les acquis du passé, nostalgiques de la beauté de notre passé dont la cathédrale parisienne est l’un des fleurons.
Le feu qui l’a endommagé gravement nous a brusquement réveillés….
Comme les apôtres, nous nous retrouvions face à une dépouille, impuissants, sans forces, sans perspective…
Cependant, à l’instar de la résurrection du Christ qui a bouleversé les apôtres désemparés, les dons ambitieux ont changé notre regard sur l’avenir de la cathédrale.

L’avez-vous compris le message ?
Parfois, il faut que tout tombe en cendres pour comprendre que l’essentiel pour l’homme n’est pas les murs et l’histoire : pour lui, ce sont la force de son esprit et le temps présent qui lui sont donnés en défi par le Créateur.

Il est donc nécessaire que de ces cendres de la cathédrale surgisse une nouvelle France. Que nous, les français, croyants en Dieu, nous enflammions, devenions ardents, en délaissant nos babouches et notre robe de chambre.
Bref, que nous soyons des témoins décidés du Christ – le ressuscité !

J’oserai même dire que Lui nous a donné un signe fort.
Souvenez-vous des toutes premières photos de l’intérieur de Notre-Dame après l’incendie ?
Le décor était sombre, au sol des poutres carbonisées, des gravats et les débris de la flèche abattue par les flammes passés à travers de la voûte…
Toutefois, au fond, au chœur de la cathédrale, on apercevait une grande croix dorée… absolument intacte, surplombant les décombres…
A ses pieds une figure de Marie, fidèle jusqu’au bout…. Immaculée… et encore une dizaine de mètres devant elle, l’autel… lui aussi épargné… qui, d’ailleurs, reste éclairé par la lumière du jour puisque la voûte au-dessus n’existe plus…

Tout un symbole…
Et même plusieurs symboles :

– En premier, la croix dorée…
In hoc signo vinces – Par ce signe, tu vaincras, a entendu l’empereur Constantin en voyant juste avant la bataille décisive du Pont Milvius s’étant déroulée en 312.
Quoi que païen, il a cru et il a vaincu.
A la suite de cette victoire, il a fait cesser la persécution de la foi en Christ.
Lui, même s’est fait baptiser quelques années après…

– Marie au pied la croix…
Elle restait fidèle, contre toute espérance… les clous immolant son fils n’ont pas tué sa foi en Dieu. La résurrection du dimanche matin lui a donné raison.

– Enfin l’autel…
C’est le lieu où l’Église se retrouve autour du Christ présent dans l’Eucharistie. C’est le sommet de la prière chrétienne.

Ainsi, pour moi, la conclusion suivante s’impose et je la partage volontiers avec vous :
Seulement le regard fixé sur la croix du Christ – la croix glorieuse, fidèles comme Sainte Marie même dans les moments difficiles et désespérants, assidus à la prière, unis avec nos frères et sœurs autour de la table eucharistique, nous pouvons recevoir les choses nouvelles et rebâtir ce qui s’est détérioré au fil de notre vie.
L’Eglise se construit d’abord de l’intérieur…
Et bien sûr, il ne s’agit par de la rebâtir à l’ancienne, comme on reconstruit le patrimoine matériel. L’Eglise n’est pas un mausolée !
Nous ne devrons jamais être nostalgiques d’une Eglise d’antan.
L’Eglise se conjugue au présent… parce qu’elle est surtout la communauté des disciples qui croient en Christ ressuscité dans le temps qui est le leur.
Elle est une pâte nouvelle – comme l’a dit si bien saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens. Il y ajoute :

Vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté.
Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments, non pas avec ceux de la perversité et du vice, mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture de la vérité.

Alors, mes frères et sœurs, rendons-nous donc au tombeau pour constater qu’il est vide, car de simples pierres ne pouvaient pas retenir le Christ…
Il est donc ressuscité !

Alléluia, Joyeuses Pâques à vous tous!

[1] ttps://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Seul-un-Francais-sur-dix-croit-en-la-resurrection-_NG_-2009-04-09-533453

[2] Cfr. https://eldorhaan.wordpress.com/2019/04/19/le-figaro-premium-eric-zemmour-quand-le-brasier-de-notre-dame-enflamme-les-memoires/