Honneur aux….. 2ème dimanche de Pâques (dit de la Miséricorde), année C, Messe de conscrits en classe 9, Chazay, le 28.04.2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Honneur aux…..
2ème dimanche de Pâques (dit de la Miséricorde), année C,
Messe de conscrits en classe 9,
Chazay, le 28.04.2019

Lectures :
Ac 5,12-16 : … par les mains des apôtres, beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient dans le peuple.
Ap 1,9-11a.12-13.17-19 : Ce que tu vois, écris-le dans un livre…
J 20,19-31 : Mon Seigneur et mon Dieu.

Mes chers frères et sœurs bienaimés,
Chers conscrits de la classe en 9 !
Vous avez sûrement aperçu la décoration qui se trouve devant l’autel principal. Comme vous l’aurez remarqué, il s’agit d’une imitation du tombeau du Christ et celui-ci est ouvert.
La pierre tombale roulée à droite montre la cavité… qui est vide.
Au fond de cette cavité jaillit comme un faisceau de lumière d’une étoffe blanche qui se déverse sur l’Eglise…, sur tous ceux qui viennent au tombeau vérifier que la nouvelle du Christ ressuscité est vraiment exacte.
Visiblement, elle l’est.
Jésus Christ n’est plus là… Il n’y a que les fleurs du printemps, signes que la vie renaît à nouveau et germe parmi nous.
Alors, il ne nous reste plus qu’à chanter notre gratitude envers notre Dieu qui a prouvé que le don de soi est plus fort que la haine…, que la vie triomphe toujours du trépas.

Cependant, une question légitime se pose lorsque nous sommes devant ce tombeau vide : si le Christ n’est plus là, où est-il passé ?
A-t-il disparu ?
S’est-il évaporé ?
Bien sûr que non !
Il est déjà à l’œuvre… un temps nouveau a commencé !

Revenons au texte de l’Évangile que je viens de proclamer…
Nous y rencontrons Jésus accomplissant un acte miséricordieux vis-à-vis de Thomas surnommé Didyme, c’est-à-dire Jumeau ; mais dans la mémoire collective on s’en souvient comme de Thomas l’incrédule.

Nous le connaissons tous.
Un peu rebelle, un peu indépendant, qui ne suit pas le troupeau d’apôtres rassemblés au cénacle.
Juste après la mort de leur maître Jésus le Christ, ils y restent cloîtrés, bloqués par la peur d’être pris à partie. Mais à présent, ils se demandent comment annoncer la bonne nouvelle que le Christ est ressuscité.
Ils sont déjà au courant que leur maître s’est manifesté à quelques femmes de leur entourage, à Simon-Pierre, à deux disciples d’Emaus, enfin à eux tous, il y a déjà une semaine.
Thomas, par contre, n’a rien vu… il n’était pas avec eux.
Pourquoi s’était-il absenté ?
Que faisait-il ?
On n’en sait strictement rien…
Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’à la nouvelle que son maître Jésus est ressuscité et s’est manifesté bien vivant à ses collègues apôtres, Thomas ne l’a pas crue !

Sans doute connaissez-vous dans vos relations, votre entourage, des personnes avec qui vous travaillez que l’on appelle « tête de mule ».
Ceux-là sont difficiles à convaincre. Ils mettent systématiquement tout en doute.
A leurs yeux, chaque nouvelle est suspecte… Ils ne croient qu’en eux seuls !!!
Voilà notre Thomas.

D’un ton hautain, il se permet même de lancer un défi au Christ :
Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la trace des clous, si je ne mets pas la main dans son coté, non, je ne croirai pas.
Quel toupet !
Vous êtes d’accord ? son propos est hardi et provoquant.
Qui est donc ce Thomas qui se permet de mettre en cause le témoignage des autres apôtres appuyé sur leur expérience ?
De quel droit Thomas met-il également en doute la promesse de la résurrection après les supplices sur la croix dont parlait le Christ lui-même ?
Thomas n’est qu’une personne qui se croit tout simplement supérieur aux autres et qui, de surcroît, le leur fait sentir.

Bref, Thomas n’est pas un type forcément très agréable à fréquenter.
Dans notre vie de tous les jours, nous en rencontrons pas mal, des gens semblables. Et ce n’est pas rare qu’ils fassent partie de ceux qui nous dirigent…

Que fait donc notre Seigneur Jésus Christ face aux types de ce genre- là ?
L’Évangile est formel…
Le Christ relève le défi que Thomas lui a lancé…
Il revient au cénacle. Il lui montre ses plaies.
Thomas est impressionné…
Il en reste bouche bée…
Péniblement, il marmonne : mon Seigneur et mon Dieu !
Il a enfin compris le principal message de l’Évangile.
Enfin, il devient un véritable disciple du Christ qui reconnait que lui- même n’est pas le nombril du monde, mais que c’est l’Autre.
Enfin il se convertit, touché par la miséricorde divine.
Car ce qu’a fait le Christ pour Thomas, mine de rien, est bel et bien un acte miséricordieux.

Je ne sais pas si vous le savez, mais depuis le 30 avril 2000, par la volonté du saint pape Jean Paul II, le dimanche qui suit les fêtes de Pâques est devenu le dimanche de la Divine Miséricorde. Ainsi, il voulait souligner que le Christ, par sa passion et sa résurrection, nous fait la grâce immense de nous offrir le salut, c’est-à-dire une issue de secours pour notre vie, qui, combien de fois,
part en cacahuète et tient rarement une direction assurée, agitée plutôt dans tous les sens.
Le Christ n’était nullement obligé d’offrir cet acte suprême qu’est le don de sa vie. Nous non plus ne l’avons pas particulièrement mérité…
Toutefois, s’il l’a fait, c’est purement par sa forte volonté de nous aider à sortir de l’impasse de la mort et du péché.
Et chaque dimanche de la divine miséricorde doit être une occasion pour nous de lui en être reconnaissant…
Car nous tous sommes, d’une certaine façon, des Thomas.

Derrière son visage, nous pouvons retrouver le nôtre. Derrière son incrédulité, se cache la nôtre. Son arrogance masque à la fois notre orgueil et notre peur de nous être peut-être fourvoyés en accordant notre confiance à Dieu…
Alors, je vous en prie : ne jetez pas aussi vite la pierre à notre ami Thomas !
Il nous a rendu un service immense.
Parce qu’à la suite de sa hardiesse obstinée, frôlant l’impudence, nous avons reçu une preuve supplémentaire de la résurrection du Christ dont le corps glorieux n’était ni un fantôme ni un phénomène paranormal.
Elle a déclenché chez Thomas un très beau témoignage de foi accompagné de la formidable promesse pour nous tous :

Heureux ceux qui croient sans avoir vu !

Alors, mes chers conscrits,
pour vous tout particulièrement, que signifie le mot «miséricorde » ?
Sans doute le connaissez-vous ; toutefois, en réalité, quel contenu y mettez-vous ?
N’est-ce pas un peu flou et confus ?
Combien de fois nous ne discernons pas l’amour, la solidarité et la miséricorde…

Afin d’en clarifier le contenu, je vous propose d’abord de revenir à la source du mot en question. Traduit du latin misericordia, il est composé de deux mots latins : miseria, misère et cor le cœur.
Par conséquent, nous pouvons dire que celui qui est miséricordieux a son cœur ouvert à la misère de l’autre.
Mais attention, la miséricorde ne se limite pas à un simple sentiment ou sens de la compassion. Elle n’est pas une charité doucereuse ou molle…
Elle n’est pas affective, elle est efficace. Elle cherche à éradiquer la misère et à guérir les défauts. Elle nous pousse à faire tout ce que nous pouvons pour aider l’autre.
Et avez-vous compris qu’il ne s’agit pas que de la misère matérielle !
Celui qui est miséricordieux, à l’instar du Christ, se penche sur toute misère humaine…
En revenant à l’exemple relaté par l’Evangile d’aujourd’hui, Thomas se trouvait dans une misère spirituelle. Il lui manquait la foi.
Il en était indigent…, puisque voué seulement à lui-même.

De surcroît, aveuglé par son orgueil, il ne se rendait pas compte de son état.
Par son arrogance, il aurait pu être refoulé…

Et c’est bien ce que nous faisons la plupart du temps…
Lorsqu’une personne désagréable, hautaine ou encore dédaigneuse se trouve dans le besoin, nous ne sommes pas trop enclins à lui tendre la main. Intérieurement, son malheur procure en nous une satisfaction malsaine…
Volontiers, nous l’abandonnons à son triste sort…

Jésus le Christ, par sa vie et par ses actes, démontre que la miséricorde dépasse tout ce qui peut être répulsif chez l’autre pour aller directement au fond de son cœur. La miséricorde, par des actes concrets, veut que la personne concernée se relève, qu’elle change, qu’elle se mette debout. La miséricorde n’est donc pas un simple geste de solidarité et, encore moins, d’assistanat.

Ici, je rebondis sur les origines de la fête de conscrits.
Comme vous le savez, cet évènement remonte à l’année 1898, lorsqu’une loi fut votée instituant le service militaire obligatoire afin de défendre le territoire de la toute jeune république française.
Cette loi déclarait donc :

« tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ».

En 1804, Napoléon Ier modifie quelque peu les termes mêmes de la conscription. Les rangs de l’armée française étant déjà bien fournis, on décide que l’ensemble des hommes d’une même classe d’âge ne doit pas nécessairement partir sous les drapeaux. Un système de tirage au sort est mis en place. [1]
Je vous passe les autres détails de l’histoire disant seulement qu’une tradition s’est assez vite développée : les jeunes tirés au sort se rassemblaient pour célébrer leurs derniers moments au sein de la société civile. Sorte de rite de passage. [2]

Aujourd’hui, nos fêtes des conscrits sont surtout des moments de convivialités, de déguisement, de banquets, mais leur origine nous rappelle le devoir de défendre la patrie au risque même de sa vie.

Et si aujourd’hui, un peu partout dans notre village, vous voyez des banderoles sur lesquelles est écrit en gros honneur aux…, savez-vous que les villageois ne vous honorent pas seulement à cause de l’année de votre naissance ?
Ils rendent hommage surtout à la mémoire de ceux qui, tirés au sort, étaient prêts à partir pour faire miséricorde à leur patrie dans la misère, attaquée par ses ennemis.
Ils le faisaient, que leurs compatriotes le méritent ou non !
Et les gens qui restaient à la maison en étaient conscients. Ils reconnaissaient, comme notre Thomas, la grandeur de l’acte accompli par ceux qui partaient se battre pour eux.

Pensez-y, mes chers conscrits, s’il vous plait !
Aujourd’hui, l’heure est à la fête, mais dès demain, votre vie reprendra…
Soyez donc des hommes et des femmes de la miséricorde, c’est-à-dire capables de combattre la misère chez l’autre, quel qu’il soit.
N’oubliez jamais qu’être miséricordieux n’est pas signe de faiblesse, mais bien au contraire de force et de courage.
Écoutez pour finir une pensée d’Olivier de Kersauson, écrivain et navigateur de renom, détenteur de plusieurs records de traversées de la mer en solitaire, un homme d’une grande culture, surnommé par ses pairs l’amiral.  Je vous l’offre en cadeau, en ce jour de fête :
La miséricorde est un principe général de conduite à l’usage de ceux qui ne veulent pas abdiquer devant la lâcheté, le doute et la bêtise.
La miséricorde permet à l’homme flétri de reverdir. Ma miséricorde est un engrais dont je fais grand usage. [3]

 

[1] In : http://stephane.guillard.over-blog.com/2014/01/les-conscrits-leurs-origines-leur-histoire-et-leur-évolution.html

[2] Idem

[3] In : Ocean’s Songs (2008) de Olivier de Kersauson