Homélie : Pilate… homme de loi… pour le moment. Solennité du Christ-Roi de l’Univers, année B, le 25 novembre 2018

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Pilate… homme de loi… pour le moment
L’homélie pour la solennité du Christ-Roi de l’Univers,
Le 25 novembre 2018

Lectures :
Dn 7,13-14 : sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas….
Ap 1,5-6 : Moi, je suis l’Alpha et l’Omega…
J 18,33b-37 : Ma royauté n’est pas de ce monde…

Mes frères et sœurs bienaimés, la situation narrée aujourd’hui dans l’Evangile est vraiment sérieuse.
Suite à la dénonciation par ses compatriotes, le Christ, l’Alpha et l’Omega de l’Univers, se trouve en garde à vue. Il est accusé d’un crime de lèse-majesté.
Selon eux, il se prenait par un roi, c’est-à-dire qu’il aurait usurpé des prérogatives que le césar ne lui avait pas accordées.
Ainsi, le Christ est mis sous l’autorité judiciaire en place, représentée par un certain Pontius Pilatus, à la fois juge et gouverneur. Il est donc, à ce titre, maître de la vie… et de la mort.

Qui est exactement Pilate ?
Comme en témoignent les nombreux écrits, Ponce Pilate était préfet de la province romaine de Judée et sa juridiction s’étendait également à la Samarie et à l’Idumée.
Tous les traits de caractère de ce fonctionnaire impérial sont négatifs. Il était impulsif, abusif et cruel. Les juifs et les Samaritains avaient par deux fois porté plainte contre lui à Rome et devant le légat de Syrie. Même Hérode Antipas avait témoigné personnellement devant l’empereur Tibère contre Pilate, lorsqu’il avait ordonné d’exposer des insignes impériaux sur l’aire du temple de Jérusalem.
Bref ! Ponce Pilate était un type peu aimable mais pourtant il avait su se maintenir au pouvoir depuis 10 ans, malgré les dénonciations répétitives. Selon les critères de notre époque nous pouvons donc dire de lui qu’il était un tacticien habile, aux multiples relations allant jusqu’au sommet de l’état.

Après une telle description de Pilate, vous vous attendriez peut-être, mes frères bienaimés, à ce qu’à présent je le descende en flèche, le chargeant de mille maux imaginaires ?

Étonnez-vous bien, je ne le ferai pas, car dans cette séquence de la vie du Christ, il ne se tenait pas si mal. Plus tard, lorsqu’il a lâché le Christ, bien sûr, il n’était plus du tout à la hauteur… mais à présent, lorsqu’il rencontre pour la première fois le Christ, Pilate était celui qu’il devrait être : un homme de loi.
Et cette loi n’était pas n’importe laquelle. C’était la loi romaine : concise, claire, pleine de bon sens.
D’ailleurs, je conseillerais volontiers aux faiseurs de lois chez nous qui n’arrêtent pas d’alourdir la législation, d’apprendre un peu de latin et de s’inspirer du droit romain, qui demeure toujours un modèle.
Et nous le voyons à l’œuvre.
Pilate ne perd pas son temps en bavardages inutiles. Son temps est précieux.
Il commence donc l’interrogatoire en allant droit au but, à savoir : est-ce que les accusations portées contre le Christ sont vraies ou pas ?
Es-tu le roi des juifs ?

Combien de fois, mes frères et sœurs, usons-nous de la langue de bois ?
Combien de fois tournons-nous autour du pot ?
De surcroit, les discussions de fond sont prohibées de plus en plus…
Ne le remarquez-vous pas ?

En théorie, nous pouvons parler de tout. C’est la liberté d’expression qui nous le garantit.
Cependant, il suffit d’aborder les questions sensibles liées à l’identité nationale, au patriotisme économique, à l’islamisation de cités, à l’avortement, à la France qui souffre et endosse le gilet jaune en signe d’avertissement…. pour que la liberté d’expressions se volatilise curieusement !
A sa place, nous avons une panoplie d’étiquettes, voire d’invectives : c’est facho, c’est discriminatoire, c’est insultant, c’est misogyne, c’est soit du racisme, soit du communautarisme, soit de la récupération politique !

Pilate, lui, se moque bien de ce que disent l’intelligentsia juive et la populace pointées devant son palais. Pour l’instant, il reste libre.
Il sait pourquoi, entre autres bien sûr, il a été envoyé en Palestine : pour rendre justice.

Le Christ, et j’aime beaucoup cela, reste également libre… face au pouvoir en place, il ne se démonte pas. Il n’est pas dans ses petits souliers comme c’est le cas souvent chez nous qui, vis-à-vis des représentants du pouvoir, perdons la tête ou, ce qui arrive le plus souvent, la parole.
Le Christ ne se laisse pas impressionner par la pourpre dans laquelle Pilate est vêtu, ni par les insignes impériaux régnant dans la salle d’audience. Non, car le Christ n’a peur ni du pouvoir ni des hommes. Il n’a pas peur car Lui-même est aussi un roi : le ROI beaucoup plus grand et puissant que Pilate, Hérode, César ou n’importe quel autre Jupiter!
Il est le Roi de l’Univers. L’Alpha et l’Omega !
Et c’est cette majesté que nous fêtons aujourd’hui, en ce dernier dimanche de l’année liturgique…

Et justement, mes frères et sœur bienaimés, je vous dois à ce moment-là quelques notes d’explications car parfois, et même souvent, nous calquons les notions dont nous nous servons dans notre vie d’ici-bas sur les réalités théologiques qui, pourtant, dépassent ce qui n’est que terrestre et humain.

C’est le cas de la royauté du Christ.
Elle n’est pas celle dont jouissaient et jouissent les rois… J’espère que nous en sommes tous d’accord ?
Et pourtant, dans le langage, nous ne percevons aucune nuance : le César était roi…, Louis XIV était roi, Philippe VI de Bourbon est roi d’Espagne…, le Christ est aussi le Roi…
Où est la réelle différence ?
Bien évidemment, je ne pense pas aux différences historiques ou géopolitiques…

Pour trouver la réponse, il nous est nécessaire de revenir au texte de l’Evangile d’aujourd’hui.
Si nous sommes attentifs, nous remarquons bien que Pilate et Jésus ne se comprennent pas. Ils fonctionnent sur deux plans différents.

Pour Pilate, ce qui compte, c’est de savoir si le Christ est roi ou pas …
De par son éducation, sa culture juridique et son expérience politique, Pilate savait que chaque roi, fut- il petit ou grand, détient un pouvoir… et à ce titre, il peut entrer en collision avec le pouvoir de l’empire Romain.
D’où il ne cesse d’insister sur ce sujet : alors, tu es roi ?

Quant à notre Seigneur, il se place sur un tout autre niveau. Sa royauté n’est pas liée à la notion de pouvoir.
Certes, il est Roi… mais son pouvoir n’est ni politique, ni militaire.
Son royaume est fondé sur la vérité : je suis né, je suis venu dans ce monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité.

Pour me contrarier, vous pourriez, mes frères, me citer à présent l’archi célèbre phrase de Pilate :
Qu’est-ce que la vérité ?

Mais je vous arrêterais tout de suite en vous rappelant que cette phrase sort de la bouche de Pilate un peu plus tard…, elle ne fait donc pas partie des sujets de ce dimanche. Alors, je ne l’aborde pas ce matin…
Par contre, je souligne que dans le texte d’évangile d’aujourd’hui le Christ éveille la curiosité de Pilate. Il essaye de l’éduquer sur le pouvoir qu’il exerce et dont il ignore les véritables fondements.

Mes chers frères et sœurs bienaimés,
Quelle leçon pratique devons-nous tirer de l’Évangile que nous venons de proclamer ?
A mon avis, une chose est d’une importance fondamentale :
Chaque fois que nous entrons dans un débat, nous devons effectuer auparavant un travail préparatoire. Nous devons faire la vérité sur nous-même et sur le sujet à débattre.
Au lieu de répéter des banalités ou les thèses toutes faites véhiculées par les médias, d’abord est-il nécessaire de nous documenter et d’établir notre propre opinion, libérée des préjugés et des idées préconçues.

Mes frères et sœurs…
N’oublions pas que notre mission, la mission des chrétiens vivants dans les temps présents à l’instar de celle de notre Seigneur, le Christ, est de rendre témoignage à la vérité.
Nous ne sommes pas les partisans d’un courant de pensée plus que d’un autre…
Nous sommes chercheurs de vérité… quoi qu’elle soit parfois incommode et dure à entendre… même pour nous.

Si nous vivions ainsi, ce serait vraiment le meilleur service à rendre au pouvoir en place et à notre société contemporaine.

Amen