Le bon Dieu ne nous demande pas de l’aimer à notre manière mais à la sienne 5ème dimanche de Pâques, année C Le 19 mai 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierret St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Le bon Dieu ne nous demande pas de l’aimer à notre manière mais à la sienne [1]
5ème dimanche de Pâques, année C
Le 19 mai 2019

Lectures :
Act 14,21b-27 : Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu.
Ap 21,1-5a : Voici que le fais toutes choses nouvelles.
J 13,31-33a. 34-35 : Maintenant le Fils de l’homme est glorifié…

 

Ne trouvez-vous pas interpellantes les paroles du Christ sur le commandement nouveau au sujet de l’amour ?
Pourquoi l’amour proposé par notre Seigneur revêt-il une qualité nouvelle ?
Les gens ne s’aimaient-ils pas auparavant ?
Le Christ aurait-t-il inventé l’amour ?

Bien sûr que non, car ses paroles sur le commandement nouveau ne se réfèrent pas d’abord à l’amour, car celui-là existait, existe et existera. C’est lui qui fait vibrer tout cœur humain depuis toujours. Il l’invite constamment à abandonner ses tendances égoïstes et à embrasser l’autre comme une chance pour sa vie.
Le Christ n’a pas inventé l’amour, car ce dernier a été donné par Dieu-le Père à l’homme dès ses origines. Il n’a donc rien inventé à ce sujet, en revanche il lui a proposé un modèle précis.
Et le modèle, c’est SON amour !

Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé.

Ainsi, il ne s’agit pas d’aimer n’importe comment, à la tête du client, à son choix. Les disciples du Christ, s’ils aiment, doivent imiter l’amour de leur Maître.
Et celui-là est un amour exigeant.

Ce n’est ni le lieu ni le moment de passer en revue l’Évangile entier pour relever toutes les particularités de l’amour par lequel Jésus Christ nous aime.
Je ne me limiterai qu’aux traits les plus puissants de cet amour. Ils sont trois.

Tout d’abord, son incarnation : le Verbe se fait chair ; Dieu se fait homme.

Dieu en la deuxième personne divine, Jésus, n’était nullement obligé d’épouser la condition humaine. Il aurait pu rester dans les nues, au firmament céleste. Toutefois Il s’est abaissé jusqu’à l’homme, sa propre création.
Voici le premier trait du divin amour :
sa capacité à se mettre en face de l’autre, de ne plus le toiser, mais de le voir comme partenaire, digne d’être regardé droit dans les yeux.

Deuxième point caractéristique de l’amour que le Christ nous a montré par sa vie, c’est sa qualité d’attention.
Le Christ, malgré sa noble mission d’apporter le salut au monde en perdition et l’urgence d’annoncer la bonne nouvelle à toutes les nations, est resté toujours attentif à l’autre, n’importe qu’il soit : une veuve qui souffrait durant des années de pertes de sang, une femme adultère, un couple de jeunes mariés à qui il manquait du vin lors de leurs noces…
L’amour du Christ est exemplaire, car savait laisser les grands enjeux pastoraux pour se pencher sur la misère concrète de l’autre.
C’est une sacrée leçon pour nous…
Parce que nous – et moi en premier – ne sommes pas assez attentionnés, assez vigilants aux besoins des autres, parce qu’accaparés par de grandes idées et le travail pour les mettre en place, nous excusant systématiquement : désolé, volontiers une autre fois, mais pas à présent car je n’ai pas le temps. J’ai une chose importante à faire.
Non, mes chers frères et sœurs bienaimés, face au prochain qui patine ou qui est en train de couler sous le poids du malheur, il n’y pas d’autre urgence !
C’est lui, la priorité.

Enfin, le troisième, le trait de l’amour du Christ le plus émouvant pour nous, c’est son offrande sur la croix où, Innocent, Il a donné sa vie pour le coupable.
Face à cette preuve d’amour, même les plus froids et le plus cérébraux, fondent. Oui, le don de sa vie reste et restera toujours une preuve suprême.
On ne peut donner plus !
Et c’est bien ce que nous ont rappelé dernièrement le geste du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, tué après s’être substitué à une otage lors de l’attentat de Trèbes en mars 2018 et la mort de deux militaires d’élite dans une opération de libération de quatre otages au Burkina Faso il y a tout juste 9 jours.

Mes frères bienaimés,
Si notre Seigneur appelle ses plus proches, les apôtres, à aimer comme Lui, c’est justement pour leur dire :

Mes enfants, votre amour ne devrait jamais être hautain, mais attentionné et généreux.

Pour celui qui aime à la manière du Christ, il n’y pas de limites dans le dépassement de soi-même. Son amour doit toujours demeurer altruiste et se tourner en priorité vers les plus proches.

J’espère que vous avez remarqué que le Christ, dans ses consignes, est extrêmement précis. Il n’appelle pas à un amour abstrait, lointain, généralisé.
Il n’appelle pas à aimer l’humanité ! [2]
Il appelle à aimer d’abord son prochain.
Et le prochain est celui qui se trouve surtout proche physiquement.
« Aimez-vous les uns les autres » est adressé à onze de ses apôtres, les plus proches collaborateurs et amis du Christ.

Cette remarque est à développer car maintes fois l’homme a tendance à aimer d’une manière générale : l’humanité, la cause animalière, un petit africain de la brousse affamé, un artiste ou un chanteur jamais rencontré, la planète…

Cependant, la même personne qui parle si bien de ses passions qu’elle aime et pour lesquelles elle se bat, est à la limite insupportable avec sa famille, son voisinage, avec ceux avec qui elle travaille:
Un mari charmant et éloquent au travail avec ses collègues, de retour à la maison se transforme soit en une personne taciturne soit en ronchon, ignorant les mots « merci » ou « pardon »….
Une femme souriante, disponible, à l’écoute de ses chefs, à la maison se transforme en mégère, n’arrêtant pas de crier et faire des reproches à tout le monde, qu’ils ne font pas les choses comme cela aurait dû être.
Le chrétien dévoué dans plusieurs services d’église ou engagé dans  diverses associations, ne fait plus rien d’autre à la maison, scotché devant le poste de télé …

Mes frères et sœurs bienaimés,
En conclusion, je vous citerai le père Finet, principalement connu en tant que père spirituel de Marthe Robin et cofondateur des Foyers de Charité.
Un jour, il parlait du sujet que nous abordons aujourd’hui. Il disait donc :
Aimez-vous entre vous. Notre amour fraternel doit d’abord aller aux personnes les plus proches.
Le christianisme est une société où l’on s’aime d‘abord entre soi.
Cela m’est beaucoup plus facile d’aimer quelqu’un qui habite à 500 km que d’aimer quelqu’un qui habite à 50 m.
C’est très exigeant. Mais « je puis tout en Celui qui me fortifie« .

On ne doit pas se décourager devant une telle exigence, mais c’est absolument nécessaire.
Il ne faut pas ressembler à cette fille tellement apôtre qu’elle voudrait convertir les Indes et le Japon.
C’est admirable tout cela. Oui!
Et puis voici que le soir son frère revient à la maison et lui demande de bien vouloir lui rendre ce service de recoudre un bouton de son pantalon.
La fille grogne et envoie promener son frère…
Eh bien, voyez-vous Mademoiselle, si vous voulez convertir les Indes et le Japon… commencez par recoudre le bouton du pantalon, et ceci avec le sourire…

Avez-vous compris?
Vous savez, ce n’est pas si facile que cela… C’est même très exigeant…
Et justement, à un tel amour, le Christ nous appelle :

à un amour concret de nos proches concrets !!!

 

[1] In : Madeleine Delbrêl, Le moine et le nagneau,  Œuvres complètes, tome IV, Alcide et se métamorphoses, Nouvelle Cité 2006 (Montrouge), p.46

[2] On ne peut aimer l’humanité ; on ne peut aimer que des gens (Graham Greene)