Nous devons accepter le changement mais conserver nos principes Dimanche de la Sainte Trinité, année A, le 7 juin 2020

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Nous devons accepter le changement mais conserver nos principes [1]
Dimanche de la Sainte Trinité, année A,
le 7 juin 2020

Lectures :
Ex 34,4b-6.8-9 : Le Seigneur, Le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux…
2 Cor 13,11-13 :… soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous.
J 3,16-18 : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…

Aujourd’hui, l’Eglise du monde entier fête le mystère central de notre foi : la Sainte Trinité.
Pour nous, éduqués depuis notre enfance, ce mystère de l’existence de trois personnes parfaitement égales, participant à la même essence divine et pourtant fondamentalement distinctes découle comme une évidence.

Certes, nous n’en comprenons pas toute la subtilité et même, interrogés par ses personnes non-croyantes ou membres d’autres religions, peut-être balbutions-nous de vagues réponses. Néanmoins, nous ne contestons pas ouvertement le terme Trinitas (tri + unitas) forgé en latin par le grand théologien de Carthage, un certain Tertullien (155-220 apr. J.-C.), dont l’influence fut grande dans l’Occident chrétien. [2]

Nous ne le contestons pas car nous gardons en mémoire un événement survenu à une autre grande figure de l’Eglise, Saint Augustin.
Lui, réfléchissant sur le mystère de la Sainte Trinité depuis longtemps, repéra un jour sur la plage d’Hippone un enfant. Cet enfant, avec une coquille, s’appliquait à verser l’eau de la mer dans un trou creusé dans le sable.
Augustin, intrigué, lui pose la question :
Ô enfant, que fais-tu ?
Et l’enfant répond : j’ai décidé de mettre toute l’eau de la mer dans ce trou.
Le Saint Évêque lui fait remarquer en souriant la vanité de ses efforts.
L’enfant – était-ce un ange ? – lui réplique qu’il était tout aussi déraisonnable de sa part de chercher l’explication du mystère de la Sainte Trinité.

Eh oui, on ne peut pas, en effet, confiner le mystère infini dans une formule obligatoirement réductrice. [3]

Rassurés donc par le fait même qu’un père de l’Eglise tel que St Augustin ne puisse explorer le mystère de la Sainte Trinité, nous le recevons comme une vérité théologale un peu obscure mais faisant partie intégrante de l’essence de la foi catholique.
Bien évidemment, aujourd’hui, moi non plus, je ne m’attaquerai pas à ce sujet complexe. Je me contenterai de souligner une autre évidence découlant de la Sainte Trinité et se révélant au fil du temps, également à travers les pages de la Bible.
Nos trois lectures de ce dimanche nous en parlent.

Tout d’abord, le livre de l’Exode nous a révélé que Moïse découvrit Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité.
Le premier à le faire fut Abraham, mais la connaissance de Dieu par Moïse était encore plus approfondie. D’ailleurs, toute l’histoire du peuple juif fuyant l’Egypte est devenue un long feuilleton de l’amour et des amours entre lui et Dieu.

Cependant, un jour, cette histoire a fini ou, mieux, est passée à l’étape nouvelle quand Dieu s’est dévoilé davantage à son peuple par la venue de son fils le Messie sur la terre.
Un bouleversement inédit pour les Juifs car Dieu, en sa propre personne, faisait irruption parmi les humains.
De surcroît, ce Dieu naissait d’une vierge, comme tant de prophéties l’avaient prédit, pour assumer la part de l’humanité dans son sang céleste.
Merveilleux, n’est-ce pas ?

Or, les surprises de Dieu ne s’arrêtaient pas là : le Christ, au jour de l’Ascension, était parti trôner à la droite du Père, léguant à ses disciples l’Esprit Saint, la troisième personne divine.
Et c’est cette Personne-là qui nous accompagne depuis, par ses 7 dons et son souffle vivifiant. Si nous tenons, si l’Eglise tient, c’est parce que l’Esprit Saint les maintient en vie.

Ainsi, dans l’histoire de l’histoire du salut, nous pouvons distinguer trois époques :
– l’époque de Dieu, le créateur,
– l’époque du Fils, sauveur et frère des hommes,
– et l’époque de l’Esprit Saint, sanctificateur du monde.

Frères et sœurs bien aimés, pardonnez ce petit résumé de catéchisme que je viens de faire, mais il m’est utile pour cibler une chose importante pourtant souvent passée inaperçue : chaque passage d’une étape à l’autre dont je vous ai parlé n’est pas bien accueilli.

Les Juifs qui avaient apprivoisé l’image du Dieu créateur du monde et fondateur de leur peuple, dans la majorité des cas, ont rejeté la venue de son Fils Jésus.
Ils ne voulaient pas que leur connaissance déjà bien acquise soit bouleversée, voire renversée.
Certes, ils attendaient un messie, mais un messie selon leurs désirs et leur conception, bref ! un messie à leur ressemblance !
Jésus le Christ qui dévoile Dieu comme un père, proche des pêcheurs et des pauvres ne leur convenait pas.
La fin fut donc tragique : sa mise à mort par la crucifixion.
Mais une fois ressuscité, le Christ continue d’accomplir la volonté de son père…
Il part le rejoindre, laissant agir l’Esprit Saint.

Cette fois-ci non plus, les disciples ne sont pas vraiment partants : ils ont peur de rester orphelins, désespérés, regardant le Ciel…
Il avait fallu qu’un ange les pousse à partir et à prier jusqu’à l’effusion de l’Esprit le jour de la Pentecôte.

Ainsi, nous constatons que tout changement provoque des craintes et, spontanément, suscite des oppositions.
Cela fait partie de la nature humaine de se scléroser avec les années qui s’écoulent et préférer ce que l’on connaît bien à ce qui est nouveau.
Cela est vrai dans notre vie, cela est vrai en politique, cela est vrai aussi dans la vie de l’Eglise.
Il suffit de voir notre conservatisme vis-à-vis des changements dans les méthodes appliquées en catéchèse ou en pastorale, tout simplement.
Même pour ce qui marchait il y a 50 ans ou 30 ans, et depuis longtemps ne marche plus, on n’est pas enclin à en accepter le changement.

Malgré qu’un arbre ne porte plus de fruits, soit à moitié sec ou quasiment mort, nous ne voulons pas nous séparer de lui.
J’admets sa valeur sentimentale mais vous êtes tous d’accord que personne parmi vous ne conserverait un tel arbre dans son jardin.
Charles F.Kettering, inventeur américain décédé le 25 novembre 1958, surnommé «Boss Kettering », qui avait déposé plus de 300 brevets dans des domaines divers – se spécialisant tout de même dans le secteur automobile -, avait coutume de dire :

Le monde déteste le changement, c’est pourtant la seule chose qui lui ait permis de progresser. [4]

Oui, le renouveau est indispensable pour engendrer des fruits, à nouveau et en abondance … et cela demande du courage ou plutôt… confiance en l’Esprit Saint.

La nouveauté ne signifie pas forcément la remise en cause de l’ancien.
Sortons de ce dualisme suicidaire où les jeunes veulent gommer les vieux et où les vieux dénigrent les jeunes.
Vivons plutôt tout changement comme le renouvellement d’une étape… un progrès, une rénovation, comme c’est le cas pour la Sainte Trinité qui n’a pas été dévoilée d’un seul coup mais a pris du temps pour mettre en évidence, peu à peu, son si grand mystère.
Si, à l’âge de 7 ans, au lieu de commencer l’école primaire, vous aviez été propulsé à l’université Lyon II, que ce serait-il passé pour vous ?
Un échec scolaire…, une dépression…, un traumatisme…
Il est donc naturel que chaque homme, tout au long de sa vie, passe inévitablement d’une étape à l’autre.
S’il n’y progresse plus…, c’est soit qu’il refuse l’effort, soit qu’il est déjà mort…

Mes frères et sœurs bien aimés, vous avez tous été affectés par la mort du Père Jean Comby. Lui-même la souhaitait, comme l’a écrit Jean dans l’édito de la feuille paroissiale. Nous y étions préparés…, mais, incontestablement, une étape de notre vie s’est achevée.

Est-ce que pourtant tout est fini ?
Non !

N’oublions jamais que :

Ecclesia semper reformanda… l’Eglise doit se renouveler toujours, car elle est un corps vivant…

Laissons-nous donc remodeler, pressons le pas pour entrer dans un nouvel avenir, accueillons spontanément ses projets et ses méthodes…
Seront-ils meilleurs ou pires que ceux d’autrefois ?
Je n’en sais rien car c’est le temps qui le vérifiera, de même que la quantité de fruits qu’ils apporteront.
En revanche, ce que je sais, c’est que nous tous devons suivre l’exhortation de Saint Paul entendue en deuxième lecture :
« Frères, soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous ».

Ainsi soit-il.

[1] Jimmy CARTER, 39e président des Etats-Unis de 1977 à 1981
[2] Cfr., https://fr.wikipedia.org/wiki/Trinit%C3%A9_(christianisme)
[3] Cfr., https://albi.catholique.fr/liturgie-art-et-culture/mystere-de-jesus/mystere-de-sainte-trinite-saint-augustin/
[4] In : http://evene.lefigaro.fr