Y-a-t-il des limites à l’hospitalité et à la charité chrétienne ? 30ème dimanche ordinaire, année A, Le 25 octobre 2020

Publié le Publié dans Homélies

Lectures :

Ex 22,20-26 : Tu n’exploiteras pas l’immigré.

1 Thess 1,5c-10 : Et vous, vous avez commencé à nous imiter.

Mt 22,34-40 : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Les textes de ces deux derniers dimanches nous exposent à des sujets explosifs qui exacerbent les passions et poussent à prendre des positions tranchées : pour ou contre ;

Ainsi, il y a une semaine, notre Seigneur Jésus Christ, avec sa phrase culte
rendez à César ce qui est à César et à Dieu c’est qui est à Dieu, m’a orienté
vers le sujet de la laïcité qui, en France, est devenue presque une religion d’état.

A ceux d’entre vous qui n’ont pas entendu mon homélie de dimanche dernier, je vous envoie vers le site de notre paroisse…

Aujourd’hui, l’évangile et surtout le texte du livre de l’Exode, mettent au-devant de la scène la question de la conduite face à l’immigré, à la veuve, à l’orphelin… bref, face un pauvre.

Une fois prononcé le mot « immigré » nos oreilles se dressent, des arguments s’aiguisent, les angles et les becs s’accrochent… la confrontation se met en place.

           Mes frères et sœurs bienaimés, plusieurs fois, je vous ai dit que l’enseignement de notre Seigneur, est très, très finaud. Ce n’est pas une sagesse théorétique, mais bien assise à terre.

Malheureusement une bonne partie de nous se laisse convaincre que pour résoudre les problèmes de tous les jours il faut se référer aux spécialistes…
aux psychologues, aux démographes ou aux sociologues.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas se servir du savoir des différents métiers… Néanmoins, je dis que la vérité dans sa forme pure est accessible à tout homme de bonne volonté, au cœur pur, à la conscience droite,
à la pensée intellectuellement honnête.

Parlons donc aujourd’hui, sans préjugés et sans mauvaise foi, de l’immigration, le sujet qui enflamme  de nouveau, les nombreux plateaux médiatiques, depuis le meurtre  d’un professeur dans les Yvelines, décapité par un immigré tchétchène de confession musulmane, parce qu’il a montré en classe lors d’un cours sur la liberté d’expression, des caricatures de Mahomet.[1]

         D’abord, il faut se dire que le Christ notre Seigneur bienaimé, à la suite
de toute tradition judaïque, est pour l’accueil de l’autre, d’autant plus s’il se trouve dans une situation précaire.

Cela est même élevé au commandement divin :

Ainsi parle le Seigneur – nous avons lu tout à l’heure dans le livre de l’Exode – Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas car vous étiez vous même des immigrés.

La parabole du bon Samaritain, ne que confirme le devoir de retrouver dans le visage de l’indigent, notre prochain. Ainsi, passer à côté de celui
qui a besoin d’une aide, sans rien entreprendre pour lui, n’est pas très catholique.

Point.

Je pense que sur ce principe, nous sommes tous d’accord.

Nous, chrétiens, disciples du Christ, nous ne devons même pas le mettre en cause, car il est univoque.

A priori, ici je pourrais clore notre sujet par cette affirmation.

Néanmoins, et nous savons tous que tout principe quoi qu’il soit ne fonctionne pas sous vide. Tout idéal, toute règle s’applique dans des situations concrètes aux circonstances variables, aux contextes particuliers.

Un exemple toute simple…

On ne violente pas les animaux ou les gens… mais si un gros pitbull surnommé souvent chien tuer, charge sur moi… ou un individu m’agresse,
il est plutôt normal et sensé, de me défendre à coup de poing et de pied au prix de bleus et de casse chez l’attaquant.

Ainsi, tout principe s’applique dans le concret de la vie d’une personne précise, dans un lieu déterminé, dans une situation réelle. Sinon il serait abstrait et inapplicable, frôlant l’utopie plus que l’idéal.

       Alors, ce que je dirai à présent, nous concerne nous, les Français, dans la situation qui est la nôtre.

Il faut se dire, sans se voiler la face, la France a un problème avec l’immigration de masse.

Certains peut-être s’insurgent d’entendre cela :

Non, ce n’est pas permis de dire ça ; Non, ce n’est pas vrai… ;

Ce n’est qu’une fausse impression donnée par de discours de souverainistes
et populistes…

            Mes chers frères bienaimés, je n’entre pas dans ce débat car on n’en finirait jamais…

Je dirai tout simplement ainsi :

Si on parle de plus en plus d’un sujet, c’est la meilleure preuve que celui-là
devient important pour ceux qui l’abordent et, de surcroît, s’il déchaine
les passions, c’est un signe certain que ce sujet-là devient problématique.

Le fait même que nous parlions depuis des années, et de plus en plus, de l’immigration, des comportements de gens qui viennent d’ailleurs, de leurs tendances communautaristes, avant même de se dire est-ce justifié ou pas,  une chose est déjà sûre : c’est un problème !

Sinon on passerait à côté.

Parlez-vous dans votre vie des sujets qui ne vous concernent pas ou ne vous gênent pas, ou vous sont-ils tout simplement neutres ?

Pas du tout !

Au contraire, si quelque chose vous perturbe ou vous intrigue, vous lui consacrez de votre temps.

Et c’est le cas de l’immigration qui est devenue un problème en France qu’on le veuille ou non.

Ne vous inquiétez pas, je ne m’aventurerai pas sur les causes à effet…
Ce n’est pas le moment…

Cependant, il est nécessaire de savoir comment nous,  chrétiens, nous nous positionnons dans le débat en question et dans la pratique.

Pour mieux comprendre le sujet si épineux, je me servirai d’un exemple donné dans une homélie d’un certain, père Henri Boulad. C’est un jésuite, natif d’Alexandrie en Egypte, ayant dans ses veines du sang libanais et syriaque.

Voyant son grand âge… 89 ans cette année, son expérience de directeur de CARITAS International et son engagement pour le dialogue entre les chrétiens et les musulmans, on ne peut pas lui reprocher de complaisance avec un courant intégriste ou anti-immigrationniste.

Alors, un jour le père Boulad s’est servi dans son sermon de l’exemple suivant, afin d’expliquer  les limites de l’hospitalité et de la charité chrétienne.

Je vous la transmets avec quelques ajouts, afin de la rendre encore plus explicite.

            Un soir, vous êtes chez vous, à table avec votre famille, votre femme chérie, vos trois enfants… Vous riez, vous échangez sur tout et sur rien… un soir ordinaire, dans une famille ordinaire…

Soudain, la sonnette retentit…

Vous ouvrez la porte… devant elle, debout, un inconnu, d’une trentaine d’année…

Visiblement indigent, avec une petite malle à la main…

Il vous demande gentiment de quoi manger car il n’a rien avalé de toute la journée… Il demande également de pouvoir rentrer ne serait-ce que pour quelques instants afin de profiter de la chaleur de votre cheminée, car, et cela est vrai, le temps est mauvais…, du vent, de la pluie…

Que lui diriez-vous ?

Pourquoi pas ? On est chrétien… on est charitable…

Entrez, Monsieur, nous sommes juste en train de dîner… On vous prépare une assiette et voilà…

Le dîner se déroule bien… l’étranger avait des choses intéressantes à raconter… Il paraissait même sympathique…

Sa situation professionnelle compliquée amoindrit nos cœurs…

C’est normal, nous sommes de grands sensibles…

Une heure passe, ensuite la deuxième…, la fin du dîner traîne….

Et l’invité vous dit…

Excusez-moi, vous êtes tellement gentils avec moi, je voudrais vous demander
une faveur de plus… Il est trop tard pour que je puisse  prendre mon train… Et pour payer un hôtel je n’ai pas les moyens…

Est-il donc possible que je puisse passer cette nuit chez vous ?

Vous vous regardez surpris …

Vos mines trahissent votre interrogation : que faire ?

Vous êtes devant une situation embarrassante…, mais quand même on ne peut pas le laisser dehors… Ce ne serait pas  très chrétien.

Ok, Monsieur, les enfants se mettront dans une chambre et on vous en préparera une autre.

Au lendemain, le petit déjeuner…, le déjeuner …, mais l’invité n’a pas envie
de partir… Vous, vous êtes de plus en plus dans la compassion car vous découvrez au fil des heures son histoire, sa vie, ses problèmes…

Le soir approche…

Il vous dit, voyant que vous êtes toujours bienveillant avec lui :

Vous savez… je suis venu dans votre ville pour chercher du travail.

Hélas je n’en trouve pas… ma femme et mes enfants, seront dans une heure à la gare… Je ne sais pas quoi faire …

Est-il possible qu’ils puissent passer quelques jours ici, chez vous, jusqu’à ce que je trouve un logement et un petit job ?…

Je vous en prie…, vous êtes mon dernier espoir…

Coincés entre votre propre gentillesse et la culpabilité, de surcroît, amadoué
par de suaves compliments… vous décidez de vous organiser en vue d’accueillir la famille en question.

Les jours passent… une semaine, une deuxième…, le monsieur ne trouve pas de travail, et sa femme et ses enfants se sentent de plus en plus à l’aise
chez vous… D’ailleurs, ils sont cinq…, vous n’en avez que trois.

Un jour, le grand père du monsieur vient leur rendre visite… 

Un autre jour, une cousine avec ses deux gamins…

Il faut donc libérer une autre chambre afin de pouvoir tous les loger…

Votre salon n’est plus à vous…, la cuisine non plus…, car la culture alimentaire de nouveaux arrivés est très différente… et les heures de repas aussi….

D’ailleurs depuis des jours vous ne mangez plus ensemble car ils parlent entre eux, en leur langue que vous ne comprenez pas…

Petit à petit vous n’êtes plus guère chez vous…

Vous devenez vous même étrangers dans votre maison.

       Mes frères et sœurs bienaimés, tout exemple vaut ce qu’il vaut.

Par définition, il schématise et généralise pour faire comprendre le fond
d’un problème.

Dans le cas précis, il nous faut reprendre la 2ème partie de la réponse du Christ donnée aux pharisiens :

Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

C’est-dire, là où notre propre vie, notre culture, notre famille, notre pays est mis en danger, la charité chrétienne s’arrête et prend de recul pour réfléchir sur le bien-fondé de ses actions.

L’amour du prochain et la défense des valeurs pourraient aller jusqu’au martyr, à condition qu’ils soient appuyés sur la vérité et visent le bien suprême.

En revanche, là où la charité est confrontée à un abus de confiance, à un forcing humanitaire ou à une volonté de remplacer les uns par les autres…,
elle doit dire impérativement: stop !

Nous sommes bons mais pas bêtes– disait le père Boulad.

La charité bien ordonnée commence par l’amour propre… aime comme toi-même.

Voilà la nuance de l’Evangile

L’amour de l’autre ne peut pas me faire disparaitre et encore moins, les miens. Le bon samaritain est nécessairement à imiter, car il aide son prochain qui est en difficulté…

Cependant, si le second commence à être aux trousses de son bienfaiteur,
de s’incruster dans sa maison, d’être à sa charge en permanence….

Si le bon Samaritain ne lui disait pas à un moment ça suffit ! il ne serait plus le bon !

Il serait plutôt naïf…, atteint du faiblisme, maladie de la pensée unique
et du politiquement correct.  

Et cela n’a rien à voir avec l’Evangile où le bien n’est pas l’impotence doucereuse, mais la force qui est le signe du royaume des cieux.

                                                                                          Amen


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Attentat_de_Conflans-Sainte-Honorine