Toute Sainte…, Immaculée Homélie pour l’Immaculée Conception le 9 déc. 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Toute Sainte…, Immaculée
Homélie pour l’Immaculée Conception
le 9 déc. 2019

Lectures :
Gn 3,9-15.20 : Quand Adam eut mangé du fruit de l’arbre…
Eph 1,3-6.11-12 : Dieu nous a choisis, dans le Christ avant la fondation du monde…
Lc 1,26-38 : Je te salue, Comblée-de-grâce…

Mes frères et sœurs bienaimés, si la solennité de l’Immaculée Conception revêt une telle ampleur à Lyon, c’est que Marie y est aimée depuis des siècles de façon exemplaire.
D’ailleurs, et j’espère que vous le savez, l’Eglise de Lyon fut la première, liturgiquement, à célébrer l’Immaculée Conception, ce qui obligea saint Bernard de Clairvaux – pourtant célèbre pour sa dévotion mariale –
à intervenir auprès des chanoines-comtes de la Primatiale St Jean Baptiste, pour dénoncer cette fête comme un rite étranger à l’Eglise, manquant tout à la fois de fondement rationnel et d’appui dans la tradition. [1]

D’ailleurs, les arguments de Saint Bernard, d’une manière ou d’une autre, ressurgissent de temps en temps, allant jusqu’à affirmer que le dogme de l’Immaculée Conception est un obstacle à l’œcuménisme.
Bien évidemment, je n’entrerai pas dans ces détails théologiques, la prédication ne se prêtant pas à cette forme d’exercice. En revanche, je partagerai volontiers quelques pensées, issues de mes propres études et surtout de la méditation. Car, et cela, ne l’oubliez jamais, les mystères de la foi ne se comprennent pas uniquement assis sur les bancs universitaires.
Ils se dévoilent principalement après une longue et humble prière, souvent à genoux, dans le silence, une veilleuse allumée près du tabernacle.
La foi assidue à la prière éclaire des vérités encore incomprises.
Vous savez bien que notre Seigneur, malgré l’urgence missionnaire et les sollicitations insistantes, ne se dérobait pas au temps de prière, se retirant régulièrement dans des endroits déserts, souvent la nuit, pour la passer en oraison.
Si j’insiste sur la nécessité de croire et de prier pour faire avancer la connaissance de notre foi, c’est qu’il règne, de nos jours, une fâcheuse tendance à penser que la théologie est comme n’importe quelle matière
que l’on peut disséquer comme on le fait avec le corps sans vie d’un cadavre, pour enseigner aux jeunes adeptes de la médecine comment fonctionne l’homme.
Mais, et vous le savez bien, l’humain ne se réduit pas à son seul corps. Il possède, à l’intérieur, une âme !
Je dirais même plus : c’est ce qui est à l’intérieur de lui, invisible à prime abord, qui l’anime. En conséquence, on considère l’homme comme un être biologique et spirituel à la foi.
Analogie avec la théologie : sans la foi, elle reste une pure matière sans son âme, donc sans vie.

Cependant, revenons à notre Marie chérie, à qui certains refusent la faveur d’avoir été conçue sans péché.
Je pense que les oppositions au dogme de l’Immaculée Conception sont dues en grande partie au vocabulaire utilisé :
Parce que, lorsque nous entendons le mot « immaculée », l’une des premières images qui nous vienne à l’esprit est celle d’une tache enlevée ou effacée.
Cette image n’est pas totalement fausse, mais est à mon avis un peu réductrice par son matérialisme.

Alors, je vous propose d’aborder le dogme en question d’une façon plus positive en usant des termes de nos frères orientaux, qui élargirent les perspectives de compréhension.
Ils disent donc de la sainte Vierge… qu’elle est toute sainte ! [2]

Il ne s’agit alors plus d’un blanchiment quelconque de la faute originelle de Marie : elle est présentée comme sainte à un niveau tel qu’aucun péché ne pouvait se nicher dans son être.
D’ailleurs, l’archange Gabriel, dès sa salutation, a donné le ton, disant que Marie est comblée de grâces !
Si elle est comblée de grâces… par définition, elle ne pouvait être comblée d’autre chose.
Ayant compris ainsi le dogme de l’immaculée conception définie officiellement le 8 décembre 1854 par le pape Pie IX, Marie se révèle à nos yeux à la tête d’un immense cortège des saints.
Elle est plus un exemple à suivre qu’une femme miraculeusement protégée par la main de Dieu.
L’un n’exclut pas l’autre, nous en serons tous d’accord, mais la deuxième interprétation laisse planer le doute que Sainte Marie, finalement, aurait été une « chouchoute » de Dieu et que sa sainteté ne relève d’aucun mérite, ayant été d’office établie et préservée de toute corruption.

Néanmoins, être exemptée du péché originel ne signifie en aucun cas être immunisé contre les tentations de Satan et de ses manigances.
Comme vous le savez, le sacrement du baptême, tel que nous le célébrons dans les églises chrétiennes, efface en nous d’une manière définitive le péché originel.
Ainsi, une fois baptisés devenons nous immaculés, sans taches… dans un état semblable à celui de Marie.
Et si, donc, nous avions été immunisés contre le péché, nous ne devrions jamais commettre le moindre mal.
Hélas, notre vie démontre combien de fois par jour le contraire.

Nous débutons donc tous parfaitement :
Dieu nous accorde une grâce particulière, il efface le mauvais héritage du péché originel…
Cependant, nous ne savons pas – ou ne voulons pas – l’appliquer rigoureusement… ; nous retombons donc dans les travers de la facilité, des petits et grands mensonges, de la jalousie… et toutes sortes d’autres péchés, mignons et moins mignons.

La Sainte Vierge, Marie, et cela mérite d’être souligné, a su se servir de la liberté des enfants de Dieu et des grâces reçues, devenant première en chemin et modèle parfait pour les autres.
Bref, elle a su se montrer, durant sa vie terrestre, totalement digne de la confiance que Dieu lui avait accordée. Recevant le don d’être « de conception immaculée » elle lui est restée fidèle toute sa vie…

Amen

[1] Jean GUITTON, La Vierge Marie, Aubier, éd. Montaigne, Paris 1949, p.118

[2] Cfr. ; Ephrem le Syrien (306-373): « Pleine de grâce,… toute pure, toute immaculée, toute sans faute, toute sans souillure, toute sans reproche, toute digne de louange, toute intègre, toute bienheureuse, … vierge d’âme, de corps et d’esprit,… arche sainte… belle par nature, tabernacle sacré que le Verbe… a travaillé de ses mains divines, … complètement étrangère à toute souillure et à toute tache du péché. » Les Églises de langue grecque appellent Marie la « Panaghia (Toute sainte) ». Romain le Mélode (493-565): « [Marie a été] le Temple saint dès sa naissance… Anne a enfanté l’Immaculée. » ; cité auprès de : Wikipedia, le mot « immaculée conception »