Idées reçues 3ème dimanche du temps ordinaire, année B, Le 24 janvier 2021

Publié le Publié dans Homélies

Lectures :

Jon 3,1-5.10 : Encore quarante jours, et Ninive sera détruite…

1 Co 7,29-31 : Le temps est limité…

Mc 1,14-20 :    Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ?

Mes frères et sœurs bienaimés,

Je vous propose aujourd’hui une homélie bâtie autour de cinq questions :

quand ? quoi ? où ? pourquoi ? et comment ?

Elles m’aideront à me rendre à l’essentiel de ce qu’est l’Église voulue par le Christ, sa mission, ses disciples et sa méthode, puisque les sujets simples sont, ô combien de fois, mal interprétés ou déformés.

Alors, permettez-moi aujourd’hui de mettre à mal certaines idées reçues qui, sans réflexion aucune, sont ressassées inlassablement.

Vous constatez donc à quoi sert une homélie : à enseigner les vérités théologiques, à répandre la doctrine saine de l’Église, à attiser l’élan de la prière et de la mission chez les disciples, amis du Christ, roi de l’univers, mais surtout de nos cœurs.

Passons donc à la première idée tellement répandue.

N’entendez-vous pas, très souvent, dire par ci par là et peut-être, vous-même, le pensez:

Il est difficile d’être Chrétien aujourd’hui. Dire haut et fort ce que l’Église nous enseigne crée un malaise. On se sent décalé par rapport au monde.

Et ne parlons pas des persécutions des Chrétiens qui, depuis des années, sont le groupe religieux le plus maltraité.

Le dernier méfait date d’il y a quelques jours à peine, et il n’a pourtant pas beaucoup ému les responsables politiques : 750 chrétiens de l’Église orthodoxe éthiopienne réfugiés dans une église d’Aksoum, au nord du pays,
ont été littéralement massacrés.

La seule réponse à ces informations terrifiantes est la perplexité et la distanciation. On se dit ainsi : attendons des jours meilleurs, car il est dangereux d’être témoin du Christ, aujourd’hui.

Certes !

Cependant, revenons à l’Évangile de ce dimanche et regardons à quel moment précis le Christ part en mission.

Écoutez bien : Après l’arrestation de Jean le Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Evangile de Dieu.


Avez-vous compris ?

Le Christ se lance dans sa mission après que son cousin ait été arrêté, justement parce qu’il a annonçait la Bonne Nouvelle : le Messie est venu, il est déjà là, convertissez-vous.

Le Christ n’attend donc pas un tapis rouge ou un auditoire sagement acquis
à sa cause… Il reprend le flambeau de Jean en cavale.

Combien de fois aimerions-nous être missionnaires du Christ mais nous
nous en disons empêchés car les conditions adéquates imaginées dans notre tête ne sont pas réunies pour cela.

Quant à Notre Seigneur, il annonce la Bonne Nouvelle sans regarder d’où souffle le vent ou l’état de la conjoncture.

        La deuxième idée reçue concerne la mission principale de l’Église. En général, les gens qui parlent de l’Église énumèrent ce qu’elle fait. Elle s’occupe des pauvres, elle se montre solidaire, visite les hôpitaux, crée les cellules pour migrants, enseigne l’instruction religieuse surtout dans les pays en voie de développement. Bref, de prime abord, c’est son côté social et éducatif qui est mis en avant ou son immense patrimoine culturel et artistique.

Cependant, l’Évangile d’aujourd’hui ne nous en parle guère…, car la première mission de l’Eglise telle que le veut le Christ est, écoutez bien :

le règne de Dieu est tout proche, convertissez vous et croyez à l’Evangile.

Toute mission, toute pastorale, toute prédication ne sont que des moyens mis en œuvre pour le salut des âmes.

Je sais que cette expression est peu audible. Mais pourtant, c’est bien elle,
la vraie raison pour laquelle le Fils de Dieu, le Verbe s’est fait chair : pour que nous soyons sauvés et que nous ayons la vie en abondance. Ne l’oublions jamais !

         Il y a aussi cette interrogation : où, en quel lieu faut-il commencer de prêcher la bonne parole de l’Évangile ?

Hélas, il existe une tendance qui consiste à rester avec ceux qui pensent comme nous. C’est plus rassurant – je l’entends bien ! – car les échanges sont plus profonds si nous fonctionnons dans un milieu qui maîtrise déjà le sujet.


Et, là encore, l’Évangile dit le contraire : le Christ part pour la Galilée.

Cela vous parle peu mais il faut savoir ce qu’était cette région à l’époque du Christ. La Galilée était une province éloignée de Jérusalem. Elle était appelée par la Bible « la Galilée des païens » (Is 8, 25 et 1 M 5,15) car les invasions en provenance du nord, assyriennes et chaldéennes avaient entraîné un mélange de populations et de religions. En choisissant de prêcher dans cette province,
Jésus fait un choix missionnaire. Aujourd’hui, comme dans cette province
que Jésus a choisie, les vrais Chrétiens demeurent une minorité.

Au lieu de gémir sur cette situation, il faut y voir une « situation de contact ». Le disciple de Jésus et, à plus forte raison, l’appelé à un ministère particulier, ne peut pas être Chrétien pour lui : il l’est pour les autres.

Galilée, pays de mission. France, pays de mission. Lissieu, Chazay, Lozanne,
pays de mission.[1]


          Sans doute, mes frères et sœurs bienaimés, avez-vous déjà entendu le mot « prosélytisme ». On lance assez souvent : surtout, pas de prosélytisme !

A force de le répéter sans en connaître la définition, dans la mémoire collective, toute action missionnaire visant les non croyants ou des croyants d’autres confessions est décrétée prosélyte, donc proscrite d’office.

Ainsi se crée un amalgame entre l’apostolat qui est le partage de ce que nous croyons bon et le prosélytisme qui veut l’imposer par la force, la ruse
ou le mensonge.

Néanmoins, le Christ appelle les premiers disciples à devenir pêcheurs d’hommes. Il les incite à être patients et persévérants, comme ces derniers l’étaient en exerçant leur métier de pêcheur. S’exprimant dans leur propre langage, le Christ les prévient d’avance que la conversion du cœur de l’homme est un processus long et pas forcément garanti.

Combien de fois croyaient-ils avoir pris un poisson dans leur filet et hop, il avait disparu !


D’ailleurs, André, Simon, Jacques et Jean abandonnent symboliquement leurs filets car ils comprennent qu’il ne s’agit pas d’attraper les hommes comme on le fait avec les poissons mais de témoigner de leur vie. Et cela n’a rien de commun avec le prosélytisme.

        Ainsi, j’en arrive à la dernière question posée au début : comment ?

Comment faire pour être disciple du Christ ?

Une fois encore, combien d’idées reçues à ce sujet ?

On a l’impression que les Chrétiens se rallient aux drôles jérémiades de Jacques Dutronc qui chantait si bien :

Fais pas ci, fais pas ça.

Viens ici, mets-toi là. […]

Ou sinon gare à toi.

Mange ta soupe, allez, brosse toi les dents,

Touche-pas ça, fais dodo.[2]

Bref, on prend l’Église, c’est-à-dire notre communauté de foi, pour une institution pleine d’interdits.

Comme cela est faux, puisque l’essentiel est ailleurs !

Reprenons les toutes dernières paroles de l’Évangile de St Marc :

… ils partirent à sa suite.

Nul interdit n’a mis en route nos chers apôtres… c’est leur choix délibéré…,
une rencontre, une passion, une vocation. Bref, le Christ !

                                                                                        Amen


Père Przemek KREZEL, curé +


[1] Cfr., Noël QUESSON, Les entretiens du dimanche, année B, Dorguet-Ardant, , Paris 2002, p. 107

[2] Titre de la chanson : Fais pas ci, fais pas ça…, texte: Anne Ségalen, Jacques Lanzmann, musique: Jacques Dutronc, année 1968 Disques Vogue SA