Homélie : Haussons la tête ! C’est tout un symbole. 1er dimanche de l’Avent, année C, le 2 décembre 2018

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Haussons la tête ! C’est tout un symbole
1er dimanche de l’Avent, année C, le 2 décembre 2018

Lectures :
Jr 33,14-16 : Voici venir des jours où j’accomplirai la parole de bonheur…
Thess 3,12-4,2 : Faites de nouveau progrès…
Lc 21,25-28.34-36 : Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles…

Sans doute connaissons-nous le fameux dilemme du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein ?
Il explique les attitudes, optimiste ou pessimiste, que l’on peut adopter vis à vis des évènements qui surviennent.
Aujourd’hui, lisant les textes bibliques, surtout l’Évangile, nous pourrions nous diviser également en deux camps.
Les uns pourraient bien dire : la parole du Seigneur est sérieuse et menaçante. Le Christ atteste que la fin du monde ne sera pas tendre… Les hommes mourront même de peur dans l’attente de ce qui doit leur arriver, car les puissances des cieux seront ébranlées.
D’autres, au regard plus positif, prendront les choses du bon côté. Ainsi, ils souligneront que le Christ viendra dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Sa venue permettra à tous ses fidèles de se redresser et de relever la tête, parce que leur rédemption approche. ..

Je pense que ces deux lectures ne sont pas forcément contradictoires. Elles doivent être plutôt à la base de notre réflexion sur les signes des temps et la venue définitive du Christ à la fin de ce monde.
J’aimerais aussi enrichir notre réflexion en citant deux livres dont les titres paraissent diamétralement opposés.
Je pense d’abord à un livre de Charles Péguy, écrivain, poète, essayiste français et surtout un grand converti au catholicisme. Il porte le titre bien significatif : Nous vivons en un temps si barbare !

Édité en 1909, il décrit la situation dramatique de la société de son temps, dont les catholiques, anéantis par une série de mesures anticléricales. La plus emblématique est celle de la séparation entre l’État et l’Église. Cette trompeuse appellation cachait la réalité d’une cruelle spoliation
de l’Église de tous ses biens temporels afin de la laisser sans aucun moyen matériel de survie.
A cette situation de tensions et de désolations s’ajoutait l’ambiance morose régnant dans le pays.
Je laisse Péguy lui-même nous en parler :
De plus en plus, d’année en année, le grand public s’abandonne et on l’abandonne à toutes les bassesses : à la pornographie grossière, vulgaire, à la fausse élégance mondaine, à la légèreté, la futilité, à toute la mondanité, barbarie infiniment pire et plus dangereuse que l’obscénité même. Et de ce que sont devenu les mœurs politiques, parlementaires, électorales de la corruption politique il vaut mieux n’en point parler.

Et voici la conclusion que l’auteur en tire :
Ne nous félicitons pas. Nous sommes des vaincus. Le monde est contre nous. Et on ne peut plus savoir aujourd’hui pour combien d’années. Aujourd’hui, dans la décroissance, dans la déchéance des mœurs politiques et privées, nous sommes littéralement des assiégés.

A présent, je laisse notre ami Charles, pour me tourner vers un autre. Il est l’un de mes auteurs contemporains préférés : Fabrice Hadjadj, écrivain et philosophe français. Lui aussi converti au catholicisme, baptisé à 27 ans, et qui a publié, il y a à peine trois ans, tout petit livre intitulé : L’aubaine d’être né en ce temps.
Le titre parait totalement opposé à celui du livre de Péguy. Cependant, ce n’est pas si réel !
Les analyses de l’état de la société contemporaine sont aussi aigües, sévères, pointant les lacunes de plus en plus grandes entre l’être et l’avoir, entre la vérité et ses parodies, entre le réel et le virtuel.
Cependant, l’auteur ne s’arrête pas là. Il ne veut ni jouer les Cassandres, ni être un clown qui essaie, au nom de l’optimisme béat, de divertir les gens à tout prix.

Ainsi, Hadjadj s’inscrit dans la ligne droite de l’Évangile que j’ai proclamé tout à l’heure: sans ignorer la gravité des faits, il pose un regard réaliste sur une issue possible.
Et celle-là est toujours la même : la nécessité de revenir aux fondamentaux.
Pour que nous en sortions vainqueurs, nous devons nous tenir sur nos gardes.
Éveillés et priants, nous devons être droits dans notre foi.
Haussons la tête ! C’est tout un symbole.
Il ne s’agit pas d’orgueil, encore moins de hardiesse.
Si je relève la tête, je peux voir les choses en face. Rien ne m’échappe. Mon regard peut capter le regard de l’autre. Mes yeux peuvent suivre les mouvements, ainsi je suis attentif au présent.
Le chrétien n’est pas un bélier qui fonce en avant, à l’aveuglette !
La Bonne Nouvelle ne se répand pas à coup de force ou de folie.
En revanche, elle est mieux audible et transmise, si nous la diffusons avec intelligence : en vérité et par des actes.
Et pour cela, nul n’est besoin d’entreprendre de grands moyens. Pour l’évangéliser dans les temps qui sont les nôtres, rappelons-nous :[… les moyens temporels pauvres et simples sont supérieurs aux moyens temporels lourds et sophistiqués. David affronte Goliath après avoir refusé l’armure de Saül. Jésus envoie ses disciples non en les équipant, mais en les dépouillant. Tandis que les gentils organisateurs vous fournissent une liste des choses à prendre pour une excursion, lui vous ordonne de ne pas oublier tout ce qu’il ne faut pas prendre : n’importez pas de bourse, pas de besace, pas de sandale, et ne saluez personne en chemin (Lc 10,4).]

Mes chers frères et sœurs…
Au début de l’Avent, réveillons-nous, mettons-nous debout…
Éveillés, prions avec insistance…
Que les paroles encourageantes de st Paul de sa lettre aux Thessaloniciens nous accompagnent. Je vous dédicace surtout la fin de la péricope lue aujourd’hui :
Faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons, oui, nous vous en prions dans le Seigneur Jésus. Vous savez bien quelles instructions nous vous avons données
de la part du Seigneur Jésus.

Amen