La Galilée La Vigile Pascale, année A

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

La Galilée

La Vigile Pascale, année A,

le 11 avril 2020

Lectures :

Mt 28,1-10 : Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée

Mes chers amis,

Malgré le confinement et les frontières fermées, je vous propose de faire un voyage recommandé, d’ailleurs, par Jésus lui-même.

Aussi, rendons-nous en Galilée.

Le Christ ressuscité se manifeste à quelques femmes venues à son tombeau y achever les soins de son corps, inhumé à la hâte en raison de la fête de Pâques.

Il se manifeste à elles par deux courtes phrases:

Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront.

Et les femmes, les yeux ébahis et le cœur palpitant, courent redire ces paroles aux apôtres, y ajoutant un peu de dramaturgie, comme les femmes seules savent le faire…

J’imagine la scène :

Espèces de fainéants, vous êtes encore-là ? étendus sur les sofas comme poissons sur l’étalage !  pas possible ! 

Bougez-vous les fesses, Il est ressuscité, vous comprenez, bande d’imbéciles ?  

Si vous ne quittez pas le Cénacle, si vous n’affrontez pas l’extérieur, vous ne verrez rien. Remuez-vous un peu, oust !!! dehors !!! 

Filez en Galilée, Il vous y attend !!!

Peut-être ai-je laissé trop aller mon imagination en rendant la scène très réaliste, mais une chose est sûre : le message des femmes ne fut pas reçu immédiatement.

Saint Luc note dans son texte d’évangile : les propos des femmes leur semblèrent délirants et ils ne les croyaient pas. (Lc 24,11)

Il fallait que Pierre et Jean courent au tombeau  pour confirmer qu’il était vide.

Malgré cela, les apôtres ne partent pas en Galilée, car même le dimanche de Pâques où le Christ se manifeste à eux au cénacle… (rappelons-le : fermé, verrouillé par crainte des juifs), ils ne bougent pas, preuve flagrante que les disciples étaient obtus puisqu’ils ne partirent pas immédiatement…

Car, eux comme nous, s’interrogeaient : pourquoi la Galilée ?

Pourquoi ne pourrait-on attendre le Christ tranquillement, une canette de bière à la main et des grillades sur le feu ?

Ils combinaient dans leurs petites têtes de pécheurs : si notre maître est ressuscité, il n’est pas loin…, son tombeau – je l’ai vérifié sur google maps – se trouve à peine à mille trois cents mètres du cénacle ! 

Alors à quoi bon faire au moins 140 kilomètres pour le rencontrer en Galilée? 

C’est insensé…. 

Oh, pauvres apôtres, ils ont, une fois de plus, oublié la parole divine :  ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort (1 Co 1,27 et cfr ; 1,3,19)

Alors, pourquoi donc la Galilée ?

Parce qu’il faut faire un voyage de chez soi vers le Christ ressuscité, d’une part le même qu’autrefois, le Rabbouni qui enseignait la bonne nouvelle, mais différent puisque par son retour à la vie il a changé complètement la donne : il est, depuis, Le Ressuscité.
J’espère que vous savez que c’est en Galilée, justement, que le ministère public de notre Seigneur a commencé. Une fois Jean le Baptiste emprisonné et décapité, le Christ est revenu en Galilée commencer à prêcher et faire des prodiges. Pour mémoire, le premier miracle eut lieu dans une ville galiléenne : à Cana.

Depuis, l’Évangile est peu à peu annoncé partout : nous pourrions donc dire que, dans un sens, tout a pris source en Galilée, notre foi comprise.

Mais ce n’était qu’un commencement… puis-qu’après, beaucoup d’évènements se produisirent dont ceux de Jérusalem, à savoir l’arrestation, la condamnation, la mise à mort… et le tombeau vide.

Leur intensité est telle qu’ils méritent d’être compris, d’être relus.

Et toute bonne relecture demande de prendre du recul…

Pour cela, il est nécessaire de revenir en Galilée qui n’est pas tant un lieu géographique qu’un lieu de compréhension, un processus qui permettra de relier toutes les données entre elles et de saisir le mystère de l’incarnation et du sacrifice du Christ, Fils de Dieu sur la croix.

Peut-être un jour vous êtes-vous perdus dans une forêt ou à la montagne ?

Si vous n’aviez pas de GPS, tous les gens expérimentés vous auraient dit :  si vous pataugez et vous ne retrouvez pas la route, retournez sur vos pas afin de retomber sur le carrefour, la clairière, le chemin où vous étiez encore sûrs de la connaître. 

Ce retour en arrière n’est pas pour autant une perte de temps, c’est plutôt un chemin de retrouvailles, d’un nouveau départ, cette fois-ci enrichi par les expériences vécues.

Et si les apôtres devaient partir en Galilée, c’était bien pour faire la relecture de tout ce qu’ils y avaient vécu avec le Christ et ce qu’ils avaient entendu.

A la lumière du passé, ils pourraient, en fait, comprendre le présent.

Ils pourraient comprendre que tout ce que le Christ, leur maître, leur avait dit n’était pas des mensonges ou des canulars mais des vérités qui s’accompliraient les unes après les autres.

Alors, le chemin de retour en Galilée devient, pour tous les apôtres, le chemin de Damas : un chemin de conversion.

D’ailleurs, aux couples, aux gens à la vie un peu embrouillée, je donne toujours ce conseil : partez de chez vous !

Partez loin de votre Cénacle, de votre foyer, même le plus douillet,  de votre enfermement confortable.

Et bien évidemment, il ne s’agit pas d’un départ irréversible, mais d’une mise à distance salutaire… pour s’étudier et appréhender les problèmes différemment, avec une certaine perspective.

Je leur dis : retournez à votre Galilée, redécouvrez vos premiers émerveillements avec votre conjoint…, les premiers baisers au temps des cerises.

Revenez à celui ou celle que vous avez commencé à aimer et que, pourtant, vous avez perdu au long des jours.

C’est vraiment important de retrouver ce fil d’Ariane et le ou les moments où il s’est rompu.

Vous savez, la Galilée, c’est le temps de revenir aux premières amours, au temps où tout était possible et où rien ne nous faisait peur.

– Les montagnes à déplacer ?  – oh là là !!! fastoche !

– Avoir une famille nombreuse ?- mais on ne rêve que de ça.

– Aimer jusqu’à l’oubli de soi ? – c’est l’évidence même !

– Être Chrétien en véritable apôtre du Christ ? – pas d’autre option !

Alors mes chers, quittons nos Jérusalem quotidiennes, retournons à nos propres Galilée afin de pouvoir rentrer chez nous et vivre au milieu des personnes que nous côtoyions déjà avant, mais cette fois-ci en homme ressuscité pour de bon.