Dieu n’est pas une grand-mère sourde et mal voyante… Solennité de l’Assomption Le 15 août 2020

Publié le Publié dans Homélies

Lectures :

Ap 11,19a ; 12,1-6a.10ab : …une femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds…

1 Cor 15,20-27a : Le Christ est ressuscité d’entre les morts pour être parmi les morts le premier ressuscité.

Lc 1,39-56 : Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne (Magnificat)

Mes frères et sœurs bien aimés, une fois de plus, nous sommes montés ici,
près de l’église, dans ce beau village de St Jean des Vignes pour fêter l’Assomption.

Une fois de plus, nos voix se joignent à celle de Marie pour chanter les merveilles de la divine providence et de sa miséricorde qui s’étend d’âge en âge.

Et notre chant s’envole au loin car aucun mur ne lui fait obstacle.

Nous sommes en état de grâce, admirant à droite, à gauche, les beaux paysages qui nous entourent lorsque, au moment venu, le prêtre dit :

le Seigneur est avec vous, ceci est son corps, ceci est son sang.

C’est exaltant, c’est beau…

Il nous semble comprendre l’état d’esprit de Marie, petite jeune fille, toute vierge, touchée par la grâce. Elle ne pouvait pas ne pas l’exprimer.

Cependant, que chante-t-elle au juste ?

Vous pourriez me répondre :

C’est évident, elle chante la bonté divine qui prend soin des pauvres, qui relève les humbles et comble les affamés.

Oh, comme ce Dieu est bon, beau et gentil.

Vraiment, c’est tout ce que vous trouvez dans le Magnificat ?

Il y a 2 ans, j’ai célébré un baptême ici, dans cette église de St Jean.
La famille, pratiquante, avait choisi le même texte d’Evangile qu’aujourd’hui.
Elle me disait : mon père, c’est merveilleux d’avoir un enfant. Il éclaire la vie, il lui apporte de l’espérance.

Certes, ce n’est pas faux…, mais le Magnificat n’est pas seulement un texte joyeux qui exprime les sentiments d’une femme enceinte pour la première fois.

Il n’est pas que cela !

C’est un texte qui dévoile le vrai visage de Dieu et son rôle dans le monde.

Alors, pour le faire mieux comprendre à la famille en question, j’ai commencé mon homélie de baptême par une question :

Est-ce que le Dieu de la Bible, du catéchisme que vous avez appris dans votre enfance, du Magnificat que je viens de proclamer, est un Dieu gentil ?

Oui bien sûr – m’ont répondu les participants au baptême.

En êtes-vous vraiment sûrs ?

Eh oui, eh oui, notre Dieu est amour, donc il doit être gentil pour tous.

Alors, je suis passé à la contre-attaque :

Non, Dieu tel que la Bible le décrit n’est pas un Dieu gentil pour tous.
Relisez le texte en question :

il disperse les superbes, il renverse les puissants de leur trône, il renvoie les riches les mains vides.

Vous trouvez que cela est gentil ?

A la limite, c’est même violent pour ceux qui sont concernés.


Dieu est bon, mais il n’est pas gentil face au mal, aux abus, à l’égoïsme et à l’orgueil, bref, au péché !

Dieu-amour ne se laisse pas faire : il agit, il combat, il œuvre pour établir
de nouveau l’équilibre entre les superbes et les humbles, entre les riches
et les pauvres.

Si aujourd’hui les Chrétiens perdent les batailles les unes après les autres
sur les sujets sociétaux et que leurs idées ne sont plus audibles, c’est dû, entre autres, aux images erronées qu’ils ont de Dieu.

Ils le voient faible, naïf, qui se laisse faire parce qu’Il aime.

Oui, Dieu aime, mais son amour n’est pas un sentiment vague, doucereux, construit sur de l’émotionnel.

Dieu n’est pas une grand-mère sourde et mal voyante… qui se laisse avoir par son petit-fils malin qui lui pique de la monnaie dans son portefeuille.

Dieu aime avec un amour qui éduque et exige, qui veut que tout enfant ne soit pas un enfant-roi mais un homme nouveau !

Mes frères et sœurs bien aimés, alors, pour savoir qui est vraiment ce Dieu
que Marie chante, nous devons nous débarrasser des caricatures de Dieu
que nous avons créées depuis toujours.


Ne vous souvenez vous pas de l’image du Dieu de Michel Ange et d’autres artistes de la Renaissance ?

Dieu est représenté comme un vieillard, un grand barbu, à la barbe blanche
à l’image du père Noël sirotant du coca-cola sans sucre…, bref, un papy. 

Et les Jansénistes et leur Dieu aux traits sévères, ressemblant au tsar Ivan le Terrible, censé passer tout son temps à traquer les traîtres…
c’est-à-dire les pêcheurs.

Et le Dieu de Voltaire et des Lumières… en grand horloger qui s’est amusé à créer le monde mais, une fois créé, l’a abandonné à son propre sort : amusez-vous mes enfants, je m’en vais faire la sieste.

Et prenez aussi les représentations de Dieu plus récentes :

Jésus est un hippie qui doit fumer de la marijane avec un regard bleu qui plane et aime les filles aux seins nus.

D’ailleurs, la chanson de Johnny n’était pas la plus innovatrice dans ce domaine.

Les vagues de violence qui ont déferlé aux Etats Unis et un peu moins en Europe à la suite du mouvement Black lives matter  et sa  cancel culture  
culture de l’annulation – qui déboulonne les statues et attaque la culture et l’histoire, voit Dieu encore plus d’une manière inventive.

Je ne vous en citerai qu’une :

J’ai vu Dieu : elle est noire, communiste et lesbienne.[1]

          Ces représentations, auxquelles nous pourrions encore en ajouter d’autres, ont pourtant un dénominateur commun : toutes sont erronées.

Elles ne sont pas bâties sur les faits, mais sur l’imagination de ceux qui les inventent.

Ainsi, l’homme, au lieu de comprendre qu’il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu comme nous l’apprennent les premières pages de la Bible, essaye de créer un dieu à sa propre image et à sa ressemblance.

Un tel dieu ne peut pas être Dieu, il est sa triste caricature…

Sans doute notre petite Marie, toute sainte, avait-elle aussi une représentation de Jahvé bien à elle.

Et cela est normal…, ne sommes-nous pas des humains ?

Nous projetons donc nos désirs et nos peurs sur les autres. Si quelqu’un agit, nous lisons ses actes à partir de nos propres expériences… et parfois, en découvrant tous les éléments du fait, nous constatons que nous nous sommes grandement trompés.

Quand l’ange est venu auprès d’elle…, Marie a répondu tout simplement et ses questions  étaient très « pratico-pratiques » : comment cela va-t-il se faire…, je suis vierge, je ne connais pas d’homme…

A vrai dire, toute croyante et pure que Marie ait été, elle commençait à entrevoir Dieu au fil du message de l’ange…, et au fil de la salutation de sa cousine Elisabeth…, au moment de la présentation de Jésus au temple…, puis à Cana…, et enfin sur la croix…

Elle avait donc compris que Dieu n’est pas un être à connaitre une fois
pour toutes… mais une personne à découvrir jour après jour.

Nos ancêtres disaient juste : pour connaitre quelqu’un, il faut avoir mangé un minot de sel avec lui.

Et si ce quelqu’un était le Dieu Vivant, créateur du ciel et de la terre ?

Une vie ne suffirait pas…, il faut l’éternité !

Marie a donc compris, et le Magnificat en témoigne, que le Dieu qu’elle s’imaginait auparavant est un dieu beaucoup plus merveilleux, beaucoup plus grand et beaucoup plus puissant. Il ne se contente pas seulement de parsemer des pépites de bien par-ci, par-là.

Il est un Dieu complet !

Il agit constamment dans le monde en vue de rééquilibrer les rapports de forces, régulièrement déréglés par l’action du Mauvais.

Quelqu’un a remarqué judicieusement :

si le monde tel qui est tient encore, c’est que Dieu le tient !

Mes frères et sœurs bienaimés,

Nous vivons dans un monde qui, sous les nombreux aspects, manifeste des signes de débilité et dérape…

Sa culture générale disparait…

Sa morale glisse…

Ses lois censurent…

Ses prouesses techniques menacent…

A juste titre, nous pourrions nous interpeller :

Où est-il notre Dieu ?

A quel moment va-t-il siffler la fin de la recréation ?

N’attendez de moi ni une date, ni une heure précise…

Je suis navré, mais elles ne m’ont pas été révélées.

Ce que je sais, en revanche, c’est que Dieu est à l’œuvre, depuis la création,
et quand tout sera achevé, Il donnera tout pouvoir à son Fils, et mettra sous ses pieds tous ses ennemis.

Et le dernier de ces ennemis qui sera anéanti, c’est la mort.

Ainsi, s’affirmera notre assomption pour l’éternité.

                                                                            Ainsi-soit-il


[1] Cfr., https://fr.wikipedia.org/wiki/J’ai_rencontré_Dieu,_elle_est_noire