Démission ou discernement ? 4ème dimanche de Pâques, année C Le 12 mai 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierret St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Démission ou discernement ?
4ème dimanche de Pâques, année C
Le 12 mai 2019

Lectures :
Act 13,14.43-52 : C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu.
Ap 7,9.14b-17 : Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense…
J 10,27-30 : Mes brebis écoutent ma voix.

Parfois, je dis avec humour que les voyages et les visites devraient être interdits aux catholiques, surtout le dimanche, car ils se comportent souvent comme si leur foi dépendait de leur lieu d’habitation, de leurs racines ou des circonstances.
Bien des fois, je rencontre des gens qui se confessent humblement en reconnaissant la faute suivante :
« Je ne suis pas allé à la messe dimanche ».

Soucieux de bien comprendre la raison de cette absence, je m’intéresse :
« Étiez-vous malade…, avez-vous eu un travail à faire en urgence… » ?
Et les personnes me répondent à peu cela :
Non, non, j’étais en vacances et je n’ai pas pu aller à la messe… ou encore :
Pas du tout mon Père, ma fille est venue déjeuner chez moi, alors, il fallait que je prépare le repas… »

Les Italiens, les Portugais et même les Polonais sont un cas similaire… mais à part. Lorsqu’ils rentrent dans leur pays d’origine, ils vont à la messe en famille tous les dimanches, ils baptisent et marient leurs enfants.
En voilà, des chrétiens exemplaires !!!
Mais lorsqu’ils sont en France, même s’ils travaillent avec ambition, le dimanche, ils se comportent comme s’ils étaient en vacances : dans la majorité des cas, ils ne pratiquent pas régulièrement leur foi.
Le dimanche… ça, c’est du repos après 6 jours de labeur!!

Pour cela, il est bien de voir Paul et Barnabé qui, partout où ils s’arrêtent au cours leur voyage, le jour consacré au Seigneur, se rendent à la synagogue.

Ils savent que, malgré leurs ambitieux projets missionnaires, malgré l’immensité de la tâche d’évangélisation, malgré l’urgence de faire connaître la Bonne Nouvelle, la chose primordiale pour le disciple du Christ est d’abord de s’alimenter soi-même par la prière et l’écoute de la Parole.
Car on ne peut partager avec les autres ce que l’on n’a pas reçu d’abord par soi-même. Ainsi, avant l’heure, ils appliquent le principe de Jeanne d’Arc qui répondait à ses adversaires : « Messire Dieu, premier servi ».

Ce qui me réconforte également dans la situation décrite dans les Actes des Apôtres, c’est la simplicité.
Paul et Barnabé débarquent, sans doute trouvent-ils une auberge pour déposer leurs affaires et, au premier sabbat, ils se rendent à la synagogue sans faire pourtant au préalable de grandes réunions stratégiques, une mise au point, sans élaborer de plans pastoraux. Tout simplement, ils entrent, s’assoient et parlent.
Cependant, ils ne parlent pas de la pluie et du beau temps. Leur parole est précise. Elle concerne l’histoire du Salut qui s’est concrétisée en la personne de Jésus Christ. Alors, ils parlent de Lui qui n’est pas un dogme ni un dieu lointain, c’est leur Ami et leur Sauver.

Ce changement de ton d’enseignement a plu aux gens d’Antioche de Pisidie.
Une semaine après, nombreux sont ceux qui se présentent à la synagogue. L’auteur des Actes des Apôtres note, non sans satisfaction : presque toute la ville s’est rassemblée pour entendre la parole du Seigneur.

Cependant, la lune de miel n’a pas duré longtemps. Ceux qui avaient jusque-là le monopole de l’enseignement et la gouvernance, jaloux du succès des apôtres, commencèrent à leur nuire, à les contredire, allant jusqu’à les injurier.
Rien de nouveau sous le soleil : faute d’arguments, on utilise les invectives, faute d’obtenir les réponses souhaitées, on essaie de faire taire celui et celle qui en ont une.
Et cela n’est pas propre au passé : aujourd’hui également, on peut voir comment ça fonctionne… Si quelqu’un sort un peu du lot et du discours officiel, s’il ose affirmer quelque chose contre la pensée dominante… Clac !!

On ne discute plus avec lui, on l’assomme d’étiquettes dont le but principal est de le discréditer afin de détourner l’attention du contenu de ses prises de positions. On le dénigre, on le dénonce aux autorités !!!
De surcroit, au nom de la soit disant démocratie, on l’évince des plateaux télévisés, on ne l’invite plus à la radio.
Encore un bis repetita des idées de Saint-Just : pas de liberté pour les ennemis de la liberté.
Certes, la guillotine n’est pas encore réinstallée sur l’actuelle place de la concorde à Paris, mais le couperet sévit d’ores et déjà dans les studios, devant les caméras et dans les rédactions de journaux.

Toutefois, reprenons la suite de l’Évangile :
Paul et Barnabé, contraints par les agitations provoquées chez les femmes et les notables, quittent la ville, en faisant un geste prophétique : ils secouent la poussière de leurs pieds.
Ils appliquent ainsi la consigne exacte de leur Maître, le Christ, qu’il leur a donnée lorsqu’il les a envoyés deux par deux en mission :
Si l’on ne vous accueille pas et si l’on n’écoute pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville, et secouez la poussière de vos pieds. (Mt 10,14)

J’espère que vous l’avez remarqué : Paul et Barnabé ne réinventent pas l’Évangile. Ils ne font que l’appliquer. Ils ne sont pas venus à Antioche avec leurs propres paroles mais avec la Parole que Jésus Christ leur a confiée.

Mes chers frères et sœurs bienaimés, pendant longtemps, je n’ai pas été à l’aise avec ce qui s’est passé à Antioche, à savoir l’abandon de la mission par nos deux amis apôtres.
Je me disais toujours : il faut persévérer, il faut ne pas se décourager, il faut attendre patiemment du fruit….
Mais le temps passe, les expériences s’accumulent, l’éclairage de l’Esprit Saint augmente aussi et à présent, je comprends mieux.
Paul et Barnabé n’ont pas capitulé devant les obstacles rencontrés, même si, à première vue, leur départ revêt l’apparence d’une défaite.

Non, ce n’est pas de la démission, c’est du discernement.
Ils ont compris que dans la situation conflictuelle de disputes, de soupçons infondés, de campagnes mensongères, ils perdraient leur temps en vain et risqueraient d’entrer dans une logique d’affrontement, voire de guerre.
Ils ont compris que l’essence de l’Évangile pourrait se perdre dans une bagarre généralisée où les gens se donneraient des coups violents sans pourtant vraiment savoir pourquoi ?

Alors, ce n’est pas de l’abdication, c’est un choix, douloureux, mais nécessaire.
Et l’histoire leur a donné raison, et la sagesse populaire aussi qui dit qu’on ne peut pas abreuver l’âne qui n’a pas soif…

Par conséquent, il faut avoir le courage – je dis bien : le courage, qui rime avec humilité, d’abandonner un tel projet, une telle initiative pastorale, même si cela paraît terrible à tel groupe de personnes…, si l’on constate qu’ils ne portent plus de fruit ou que les fruits sont petits, dénaturés, véreux …
Il faut arrêter de semer… afin que la terre retrouve ses forces premières et se régénère en vitamines.
Sans doute vous souvenez-vous de la pratique de nos sages ancêtres qui arrêtaient de produire pour une année ou deux des parties de leurs terre, les mettaient en jachère afin qu’elles se reposent et deviennent plus aptes, à l’avenir, à accueillir la semence.
Ainsi, on se donne du temps, pour mieux rebondir.

En attendant, l’apostolat continue, ailleurs, car les vrais apôtres ne restent pas les bras croisés. Ils continuent la mission que le Seigneur leur a confiée, mais ailleurs, quelques parts, à Iconium, …

Amen