Homélie : Solennité de la Sainte Trinité, année B, le 27 mai 2018

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues

Diocèse de Lyon

Mon Petit Papa
Solennité de la Sainte Trinité, année B,
le 27 mai 2018

Lectures :
Dt 4,32-34,39-40 : C’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre…
Rm 8,14-17 : « Abba ! », c’est-à-dire : Père !
Mt 28,16-20 : Allez ! De toutes les nations faites des disciples…

Mes frères et sœurs,
Si je vous demandais : où faut-il chercher Dieu ?
Où le cherchez-vous, vous-même ?
Que me répondriez-vous ?
Compte tenu du niveau de votre foi, de vos expériences intimes, de votre engagement social au sein de l’Eglise ou dans l’un de ses nombreux groupes, sans doute vous me répondriez-vous :
– En allant à la messe, parce que Dieu y est présent.
– Il se manifeste dans ses sacrements comme le baptême, le mariage,
le sacrement de réconciliation…
– On le voit, souffrant dans le visage d’une personne malheureuse…
– Certains, me répondraient également: c’est la nature, la beauté, la création qui nous parlent le mieux de Dieu. Et ceux qui sont un peu poètes ajouteraient volontiers: oui, c’est exact, Il plane au-dessus de nos têtes, et le bleu du ciel est la couleur de ses yeux.

De toute façon, quoi que vous me répondiez, vous auriez raison. Dieu est partout puisqu’il est à l’origine de tout ce qui existe. N’oublions jamais que Dieu a créé le monde, et particulièrement l’homme et la femme, à son image.
Alors, tout ce qui est bon, vrai et beau émane forcement de Lui – l’Être Suprême.

Et c’est justement ici que se niche un piège….
Sous prétexte que nous reconnaissons – à juste titre – la grandeur de Dieu, nos réponses, en grande majorité, ne parlent de Dieu que d’une façon pas totalement exacte. On pense :
Il est au-dessus de nous…
Il est dans l’Univers…

Il est dans le visage de l’autre…
Il est à Lourdes, Il est à Rome, Il est à Fourvière, il est par-là et il est par-ci…
Ce n’est pas faux, mais n’est pas tout à fait vrai pour autant !

Mon frère, ma sœur :
Conçois-tu que Dieu soit en Toi ?
Lorsque tu te regardes dans la glace, vois-tu aussi le visage de Dieu ?
A la suite de prêches culpabilisants et à force répéter à l’infini que Dieu est dans le prochain, particulièrement si celui-ci est pauvre, nous ne finissons par voir Dieu que dans les gens malheureux, éprouvés, infortunés de toute sorte….
Il nous ne vient pas spontanément à l’esprit de chercher ses propres traits sur notre visage et sa présence discrète au-dedans de nous.
Pourtant, nous devrions le faire…. Et même en commençant par là….
Alors, dans ton cœur, tu le ressens, mon frère ?
Et toi, ma sœur ?

C’est une grande contradiction dans notre vie de foi : nous croyons en Dieu sans aucun doute, nous le fréquentons dans ses églises, nous prions régulièrement. Tout cela est bien bon !
Tandis que, franchement parlant, combien de nous ne se disent pas :
C’est Dieu que je crois, que je pense …, combien de fois je le trouve lointain…, aux contours vagues…, à la face floue…

Et pourtant, mes frères et sœurs bienaimés, c’est tout le contraire.
Avez-vous écouté la première lecture du livre du Deutéronome ?
Moïse y parle à son peuple…
Il met en évidence la chance qu’ont les juifs par rapport aux ethnies voisines puisque Dieu s’est fait particulièrement proches d’eux.
Est-il un peuple – dit-il – qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre… comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Egypte ?
Moïse, enfin, conclut, élevant la voix :
C’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre; il n’y en a pas d’autres.

Nous sommes, bien sûr, tous d’accord avec Moïse. Nous nous le sommes d’ailleurs déjà dit, dès le début.
Alors, où est le problème ?

Que depuis l’incarnation de la deuxième personne divine, Jésus le Christ et depuis la diffusion universelle de l’Esprit Saint, se dire que Dieu est là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre n’éclaire pas totalement e sujet.
Depuis la naissance du Christ à Bethléem et lors de la Pentecôte, Dieu Trin est beaucoup plus proche que nous ne le pensons bien souvent.
Rappelez-vous saint Augustin, ce grand converti devenu incontournable pour la spiritualité occidentale, source d’inspiration pour des générations de chrétiens, père et docteur de l’Eglise…
Il était surtout un homme sincère, qui n’avait pas honte d’avouer dans ses Confessions – un livre toujours d’actualité – qu’il se trompait dans ses recherches sur Dieu.
Il avait soif de lui. Il le désirait de toutes ses forces, mais il Le cherchait là où Il ne pouvait être atteint personnellement.
Saint Augustin écrivait : …je marchais dans une voie ténébreuse et glissante, je te cherchais en dehors de moi et je ne trouvais pas le dieu de mon cœur… j’étais sans confiance et je désespérais de découvrir la vérité. (Livre VI.1)
Averti par [des] livres de revenir à moi-même, j’entrai dans l’intimité de mon être sous ta conduite : je l’ai pu parce que tu t’es fait mon soutien. J’entrai et je vis avec l’œil de mon âme… (Livre VII, 10)St Augustin finit par un aveu qui se fait prière :
Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais…
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi… (Livre X, 27)« Toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même. » (Livre III, 6, 11).

Mes frères et sœurs bienaimés, Dieu est aussi au-dedans de nous : c’est la grande nouveauté du Christianisme. Dieu n’est pas seulement transcendant mais également immanent. A la fois Il nous englobe et Il nous ravive. Il est à l’extérieur de nous mais Il est également à l’intérieur de nous… plus intime que l’intime de nous-même.

Et ce constat est le plus palpable au moment de la Sainte Communion,lorsque nous disons « AMEN » au prêtre qui nous la donne en nourriture.
Ainsi, Dieu nous ravitaille de Lui-même, ce qui fait qu’à ce moment-là nous devenons christiques : le corps de notre Seigneur devient le nôtre, son sang se mêle au nôtre. Nous ne communion pas à un pain bénit ou une hostie banale, comme le disent et pensent certains…
Dieu le Fils en personne vient humblement sous les espèces du pain et du vin, afin que l’être humain ne se désagrège pas mais grandisse peu à peu, sous le regard de l’Esprit Saint, en vue de la vie éternelle dans la maison de Dieu le Père.
C’est ça, le grand mystère de la foi !
Saint Jean-Marie Vianney, si proche de nous, habitant à une vingtaine de kilomètres d’Ars, méditant sur ledit mystère, a dit un jour à ses ouailles:« Quand nous avons communié, si quelqu’un nous disait :“Qu’emportez-vous dans votre maison ?”,nous pourrions répondre : “J’emporte le ciel” »

Mais ce ciel-là n’est plus au-dessus de nos têtes, l’avez-vous bien compris, mes frères ?
Afin que cette intimité avec Dieu devienne une réalité dont nous ayons conscience, il nous faut commencer par le début : savoir dire à Dieu « Abba ! » c’est-à-dire : Père !

Et je dirais : combien bien plus que père !?
Si nous étudiions un peu la langue araméenne, la langue dans laquelle le Christ s’exprimait dans sa vie terrestre, nous découvririons que le mot « Abba » est un diminutif très affectueux. Il peut être traduit par « père » mais l’expression « mon petit papa » est bien plus adéquate.

Vous comprenez la nuance, qui est de taille ? Dieu n’est plus seulement quelqu’un à respecter, digne d’être adoré et célébré, Il est « petit papa chéri », la personne à aimer plus que tout et sur qui nous, ses enfants, pouvons compter.
A ceux qui craignent de minimiser Dieu par ce mot familier « petit papa », je dirais volontiers que cette notion de proximité n’ôte rien à son autorité.

Il la rend tout simplement plus compréhensive, donc plus facilement acceptable. Elle ne tombe plus d’en haut, elle est un face à face.

Afin de nous familiariser au fait que Dieu est proche de nous… et même qu’Il est au-dedans de nous, je vous propose, mes frères et sœurs, de transformer de temps en temps la prière du « notre Père » en une relation plus proche de l’original et de dire:
Mon petit papa qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne…

Et pourquoi aujourd’hui, le jour de la solennité de la Sainte Trinité, ne pas utiliser une chanson que nous apprenions autrefois à l’école maternelle ?
Dédions-la en prière à notre Papa céleste :
Bonne fête, petit papa !
Prends-moi vite dans tes bras ;
Je te dirai tout bas :
Mon dessin est pour toi !
Bonne fête, petit papa !
Prends-moi vite dans tes bras ;
Je te dirai tout bas :
Mes bisous sont pour toi !

Amen