Homélie : Noël ne nous désarme pas. Nuit de Noël, 24 décembre 2018, année C.

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Noël ne nous désarme pas
Nuit de Noël, 24 décembre 2018, année C

Lectures :
Is 9,1-6 : Le peuple qui marchait dans les ténèbres…
Tt 2,11-14 : La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes.
Lc 2,1-14 : La naissance de Jésus

Tout d’abord, je voudrais vous remercier pour votre belle représentation 
au tout début de notre sainte messe…
Merci pour votre engagement et votre travail, exécutés sous la houlette 
de Noëlla et son équipe dévouée …….
Je pense que vous avez bien mérité des applaudissements !!!!

Merci donc…
A présent, en guise de réponse à votre veillée, je vous raconterai une histoire. Elle s’inscrit très bien dans l’ambiance de Noël…. et dans ses miracles.
Elle raconte une histoire un peu semblable à celle, filmée par Christian Carion dans son Joyeux Noël, le film sorti, il y a maintenant bien treize ans…

Mon histoire m’a été relatée par une paroissienne de chez nous, par délicate discrétion je garderai son anonymat….
En revanche j’ai la permission de vous la faire partager ce soir, en cette nuit 
de Noël.
Ecoutez-là telle que moi-même je l’ai entendue :

«Etienne – le beau-père de la personne qui me l’a narrée – était, durant la guerre, incorporé au 27ème bataillon de Chasseurs Alpins d’Annecy.
En cette nuit de Noël 1944, sur le plateau des Glières, il était de faction, soutenant et protégeant le maquis avec ses hommes.
Au cours de sa ronde, alors que le froid était terrible, il s’aperçut qu’un ennemi les tenait en joue : il se redressa de toute sa stature, lui faisant face, mit un genou à terre, posa son fusil contre lui et attendit la mort… ou un miracle.
Celui-ci eut lieu.
L’ennemi imita Etienne, posa un genou à terre et son fusil contre lui.
Chacun des protagonistes demeura ainsi de longues minutes à s’observer … 
ou prier, que sais-je…
La crosse d’un fusil à terre, puis un deuxième… quel extraordinaire miracle 
de Noël !
Puis Etienne se releva, tournant le dos à son ennemi, mettant toute sa confiance en ce tout petit enfant qui venait de naître…

Un peu plus de deux ans plus tard, mon mari naissait…
Vous avez compris, mon père ?
Son papa Etienne est donc revenu de la guerre, sain et sauf… » »

Si j’ai voulu partager cette histoire ce soir, ce n’est pas seulement en vue 
de souligner la magie de Noël et communiquer un miracle de plus parmi ceux qui se produisent toujours depuis cette première nuit unique, quelque part 
à Bethléem…, lorsqu’une vierge a enfanté, que des bergers ont vu des anges, une étoile brillante se fixant au-dessus du village pour désigner le lieu 
de la naissance du Divin Messie tant attendu…

Cette belle histoire vraie que vous venez d’écouter n’est qu’un prétexte 
pour parler de toutes nos guerres personnelles, guerres que nous menons parfois sans aucun ménagement, sans aucune trêve, sans merci !
Car elles peuvent durer, nos hostilités propres !!!
Parfois plus que la première ou deuxième guerre mondiale…
Certaines de nos querelles auraient pu aisément être appelées : guerres de trente ans !
…. parce- que depuis trente ans je suis mariée avec l’homme de ma vie… 
mais sa mère, alors, celle-là, n’est pas notre plus agréable cadeau de mariage !
Un vrai dragon en jupon…, une harpie au long nez qu’elle fourre partout…, jamais contente de moi, sa belle-fille ratée… car, soi-disant, son fils 
aurait pu trouver mieux en choisissant une fille du voisinage, toute mignonne 
et gentille…

Un autre exemple…
Il y a une dizaine d’années, nous avons perdu nos parents…
Une peine, un vide, une tristesse… mais aussi une misère lors du partage 
de l’héritage qu’ils nous ont laissé… Nous sommes 5 dans la fratrie…
Pardon, je devrais dire plutôt nous étions 5….
Car, depuis, nous ne nous parlons plus…
Nous sommes devenus des étrangers…

Ou encore…
Deux amis, de vrais, à la vie à la mort…
Une enfance insouciante et commune, beaucoup d’années passées ensembles, des aventures partagées, des exploits réalisés…
Actuellement, elles s’ignorent… car l’une a mal pris la promotion de l’autre comme chef de service.

A présent, elle en veut à sa meilleure amie qui ne devrait pas avoir ce poste, ayant été embauchée plus tard, qu’elle est compliquée, incompétente, chaotique, sans-soin.
Et, de surcroît, depuis sa montée en grade, elle se croit sortie de la cuisse 
de Jupiter… encore une de plus !

Mes frères et sœurs bienaimés, vos expériences respectives 
pourraient sans doute rajouter beaucoup d’autres exemples semblables… 
car l’expérience de vie est le meilleur des scénaristes.
Une chose est certaine : les guerres d’usure, les batailles tenaces, les tactiques 
de frappe et de repli ne manquent pas dans notre quotidien…
Nous ne savons pas déposer les armes…, car nous pensons que c’est un signe 
de faiblesse, de résignation, de perte de face…
Souvent, nous ne faisons rien pour abréger le conflit car nous nous disons, 
sûr de nous, que c’est à l’autre de faire le premier pas… C’est lui le fautif !

Vous savez, après des années écoulées…, il est fort difficile de discerner 
qui a été le premier à déterrer la hache de guerre…

Une autre justification assez courante pour le monde qui est le nôtre et pour
ne pas changer la face des choses, c’est de se dire :
Ce n’est pas la peine d’être droit, juste, sincère… puisque les autres 
en profitent largement.
Ne dit-on pas : trop bon trop C.O.N… ce qui, gentiment, peut se traduire 
par « jamais bon deux fois » !!!
Alors, qui souhaite être pris par un ignare ou un faible ?
Personne !

Il est fort probable qu’il y aura toujours des gens sans scrupules majeurs 
qui abuseront de notre bienveillance, de notre générosité, de notre crédulité…
Notre Seigneur Jésus a vécu lui aussi sur cette terre….
Il y passait en faisant du bien comme le note l’Evangile. Et Il n’en fut pas bien récompensé…
Il fut crucifié…

Ainsi, certains en ont bien tiré la leçon.
Ils se disent : si quelqu’un veut être bon pour moi, alors moi, je le serai aussi envers lui. Quand l’autre s’excusera auprès de moi, alors moi également 
je lui tendrai la main.

Leur logique parait-il implacable… sauf, sauf… qu’ils attendent des années pour résoudre les problèmes et mettre fin aux querelles diverses.
Parfois, ils attendent jusqu’à la mort… la leur ou… celle de l’adversaire même si… quelques fois, la haine le poursuit encore outre-tombe !

Nous pouvons aussi attendre…, remettre aux calendes grecques le premier geste ou la première parole en vue d’assainir ou réparer les relations 
avec les autres.
Et je vous jure, les attentistes ne manquent pas.

Pour l’instant, je me servirais volontiers d’une anecdote sur des personnes ayant décidé d’organiser un jour une fête commune.
Ils se sont partagé équitablement les tâches…
Entre – autre, ils ont convenu d’apporter chacun une bouteille de vin… 
dirons-nous du beaujolais, pour en remplir ensuite un tonneau…

Mais l’un des futurs convives résonna ainsi :
il serait bien dommage de mettre mon bon vin dans un récipient commun. 
Sans doute, les autres apporteront du pinard, sans aucune appellation, un vin de table, bref, une piquette.
Donc, je mettrai dans la bouteille… de l’eau, cela ne changera pas grand-chose et personne ne le remarquera…

Aussitôt dit, aussitôt fait : en arrivant, il déversa le contenu de sa bouteille 
dans le tonneau préparé pour l’occasion…
Les autres arrivaient au fur et à mesure et faisaient de même.
Enfin, la fête est commença. Le robinet du tonneau ouvert, les verres 
se remplissaient…
Tout à coup, une constatation frappa les invités.
Dans leurs verres, ils ne trouvaient que de l’eau!
En fin de compte, tous avaient eu la même idée que notre protagoniste…
Ils n’avaient apporté que de la flotte !!!

Notre raisonnement est aussi, de temps en temps, le fruit d’un calcul mesquin. Pourquoi dois-je être bon ?
Il faut que les autres soient, eux-aussi, des gens bien !
J’attendrai, donc, jusqu’à ce qu’ils deviennent meilleurs…

Et si les autres calculent pareillement, par conséquent rien ou pas beaucoup ne change, ni dans nos familles, ni dans nos communes, ni dans notre pays…

Mes frères et sœurs bienaimés,
La naissance de Jésus, une nuit à Bethléem Ephrata, n’est pas une prime 
de bonne conduite.
Jésus est venu dans le monde… et a pris place parmi nous, alors que nous étions encore pécheurs et dans les ténèbres.
Il n’est donc pas venu là où la bonté régnait déjà et partout…
Il est venu là où commandaient l’apathie et la transgression.

Cette nuit, à Bethléem Ephrata où le Christ est né, la lumière a dissipé l’obscurité…
Dès lors, notre vocation s’est manifestée :
ne plus attendre mais là où le venin et le froid commandent, 
permettre la naissance du Christ, Prince de la paix…

J’espère qu’à présent, vous l’avez bien compris, mes frères et sœurs bienaimés :
Noël ne nous désarme pas…
Son message nous rend tout simplement plus forts que notre haine.

Amen