Homélie : La Messe : la corvée ou la source 3ème dimanche du Temps Ordinaire, année C, le 27.01.2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

La Messe : la corvée ou la source  

3ème dimanche du Temps Ordinaire, année C, le 27.01.2019

 

Lectures :

Ne 8,2-4a.5-6.6-10 : Esdras […] fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi…
1 Cor 12,12-30 : Vous êtes corps du Christ, et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
Lc 1,1-4 ; 4,14-21 : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.

 

J’espère, mes frères et sœurs bienaimés, que vous avez bien entendu le texte du livre de Néhémie parlant du peuple juif qui, heureux d’être revenu à Jérusalem de l’exil en Babylonie écoutait attentivement durant toute la journée, larmes aux yeux, la lecture de la Loi.

Et si je vous proposais de faire pareil, par exemple, au début du carême ? Qui de vous participerait ?
Car il faut être sincère : pour la majorité des catholiques, et je parle des ceux qui pratiquent régulièrement, une heure par semaine donnée pour la messe et deux minutes de Pater et d’Ave en guise de prière journalière sont jugées amplement suffisantes.
Pour leur défense, ils disent : On ne peut pas prier toute la journée ! Dans la vie, il y a aussi d’autres choses à faire.

D’ailleurs ils sont assez à cheval pour chronométrer la durée des offices. Si la messe risque d’être longue à cause par exemple d’un baptême ou de la première communion, on ne les y verra jamais !
Vous savez…, dimanche dernier, nous avions la messe à 11h00 à Chazay avec notre évêque, le cardinal Philippe Barbarin, venu pour conférer le sacrement de la confirmation à 9 jeunes. C’était une vraie fête de la foi !
Cependant, dans l’assemblée, à part les parents et les invités de confirmés, se trouvaient peu de gens de chez nous, ceux que l’on rencontre habituellement à la messe dominicale.
Peut-être gentiment voulaient-ils laisser la place aux nombreux invités ?
Il faut le croire… mais il existe plutôt une forte probabilité qu’ils ne se soient pas déplacés, craignant que la messe ne finisse à midi. Peu importe qu’elle ait pu être belle, priante et joyeuse…, ils l’ont disqualifiée d’office à cause de sa potentielle durée.

Notons qu’ils ne se sont pas trompés : on est sortis de l’église à une heure moins 10.

Mes frères bienaimés,
Pourquoi, chez nous, pratiquer une telle ladrerie vis-à-vis de Dieu ?
Ne sommes-nous pas généreux pour d’autres choses comme donner un coup de main à notre voisin, nous impliquer dans la bibliothèque municipale ou dans une association ?

Pour chercher les éléments de réponse, je pourrais partir sur le manque de foi, sur la rétrogradation du religieux dans notre société, sur la mauvaise conception de la liturgie perçue plus comme un devoir à accomplir que comme un temps de resourcement. Mais je ne le ferai pas.

En revanche, je vous parlerai d’une autre entrave qui, à mon avis, n’est pas des moindres et qui empêche de vivre pleinement et joyeusement nos liturgies dominicales.
Je pense que notre constant empressement lors de nos messes est la conséquence de la saturation : nous sommes tout simplement repus !
L’homme contemporain est engorgé ! Il n’a plus le temps. Son rythme de vie est devenu fou.
De plus, subissant la pression de la mode du moment et des tendances sociétales, il s’ajoute des activités diverses pour être dans le coup, comme on dit…
Alors, il se met au sport, au jogging, il participe aux randonnées, et pourquoi pas à un cours de salsa…
Et ne croyez pas que les retraités soient plus libres… Il doivent s’occuper des petits-enfants, profiter de la vie, d’une bonne cuisine, d’un voyage… toujours des tas de choses à faire…

Tout cela fait que nous sommes saturés par le ras le bol, et la messe nous apparaît du temps perdu puisqu’inactif, passif… et s’il s’y rajoute la qualité douteuse de l’animation musicale et du célébrant… inconsciemment, nous ne ressentons plus un grand intérêt à y venir…
Ailleurs, c’est mieux… plus convivial, plus vivant, plus alléchant…

Néanmoins, je vous raconterai l’une de mes toutes dernières expériences.

Elle date d’une dizaine de jours.
Vous savez que je suis parti le 11 janvier pour une semaine à l’abbaye de Solesmes dans la Sarthe. Je n’y étais jamais allé auparavant… et mes premières impressions, je vous l’assure, n’étaient pas avantageuses pour l’abbaye.
Et pourtant les bâtiments abbatiaux, en gros partie en pierre de taille, étaient impressionnants, le style de prière magnifique car les bénédictins de là-bas chantent en grégorien, le père hôtelier était accueillant, ma chambre bien entretenue et la nourriture toute simple mais correcte. On mangeait à sa faim.

Mais malgré tous ces aspects indéniablement positifs, je ne me sentais pas à l’aise… J’étais comme dans une bulle…, insensible à la beauté des offices liturgiques. Je me trouvais amorphe, vidé de mon énergie habituelle…

Et cela a duré presque trois jours… Puis à partir de la troisième soirée, un revirement se fit sentir; Rien n’avait changé à l’extérieur. Tout restait comme au jour de mon arrivée… mais à l’intérieur un processus s’était déclenché…
J’avais retrouvé le goût des choses, de la prière. Je commençais à voir et profiter de la richesse de ce haut lieu de la spiritualité.

Et vous savez pourquoi ?
Parce qu’enfin je m’étais libéré de tout ce qui occupait mon esprit. J’étais rempli de ce que je faisais et de ce que j’avais à faire.
Physiquement, j’étais arrivé à Solesmes mais mon esprit et ma tête restaient encore ici, dans notre paroisse.

Il fallut trois jours pour que je pose mes valises et les vide un peu…
Une fois le lâcher-prise appliqué, je pouvais en fin de compte vivre de nouveau le quotidien.

Mes frères et sœurs bienaimés, si je partage aujourd’hui avec vous cette expérience, c’est que je pense qu’en arrivant à la messe, vous êtes souvent pleins de tout ce qui vous occupe quotidiennement.
Dans un tel état d’âme, saturé, fatigué, voir blasé, la messe devient difficile à vivre… Et si on y ajoute encore les enfants qui courent et font du bruit à coté de nous… on a une seule envie… l’envie de partir le plus vite possible.

Mes frères et sœurs bienaimés,
Quelle attitude faut-il adopter pour que la messe nous ressource à nouveau ?
Il est nécessaire, à mon avis, de se donner du temps afin de pouvoir nous poser, d’entrer en nous, de nous concentrer, d’entrer plus paisiblement dans le mystère de la Sainte Messe.
Si vous arrivez déjà en retard au début des lectures, vous avez peu de chances de vous aligner à la dynamique de l’Eucharistie.
En revanche, si vous commencez les préparatifs un jour ou deux avant dimanche, prenant 5 minutes pour lire les textes bibliques prévus et si vous venez à l’église 3-5 minutes avant que la messe commence…
Vous verrez, la messe ne sera pas vécue par vous de la même manière. Vous en tirerez des bénéfices. Ils pourraient en être même redoublés…
Car notre paroisse de ce dimanche vous donnera un outil pour mieux comprendre les paroles et les gestes qui sont propres à l’Eucharistie.
C’est un livret de 24 pages. *
Une équipe de paroissiens ont travaillé dessus depuis février de l’année passée.
Sa fonction est de vous faire rentrer encore plus consciemment dans le Mystère. Vous y trouverez donc des explications pratiques, un peu de catéchèse, un peu de conseils…
Dès aujourd’hui, vous trouverez donc ce livret soit au fond de nos églises, comme ici ou à Chazay, soit dans le casier des nouveaux bancs comme à Chasselay et à Lissieu.
Il sera à votre service à l’instar du carnet de chant que vous connaissez bien.

Que ce livret soit un vrai soutien dans vos préparatifs de la messe en amont…

Amen

* Paroisse st Pierre et st Paul en Val d’Azergues, Restez connectés, éd. propre 2019, pp.24