Homélie – L’artificiel tue le naturel…, les apparences la vérité…, la mondanité la foi… 2ème dimanche de l’Avent, année B.

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues.

Neuf clochers – Lyon

 

L’artificiel tue le naturel…,

les apparences la vérité…, la mondanité  la foi…

2 dimanche de l’Avent, année B, le 10 décembre 2017

 

Lectures :

Is 40,1-5.9-11 : Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides,  une route pour notre Dieu

2 P 3,8-14 : … il prend patience envers vous, car il veut que tous parviennent à la conversion.

Mc 1,1-8 : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.

 

Mes frères et sœurs bienaimés, je suis toujours aussi heureux de vous retrouver le jour du Seigneur et de célébrer avec vous le Mystère du salut…
Aujourd’hui, tout d’abord, je voudrais vous  poser une question relative à une chose qui me parait assez incohérente dans le texte de l’Évangile que je viens de proclamer.
Ne trouvez-vous pas étonnant que le messager du Seigneur, en l’occurrence Jean le Baptiste, soit envoyé là où il n’y a personne ?
Pourquoi Jean n’est-il pas allé dans l’une des  grandes villes  comme Jérusalem, Damas ou Alexandrie surnommée le « comptoir du monde » par le géographe antique Strabon, ou pourquoi pas à Rome, caput mundi de l’époque ?

Nous, spécialistes de la pastorale et de l’évangélisation,  cherchant mordicus à transmettre le message du Christ, aurions procédé exactement au contraire.
Nos messagers ne traîneraient pas dans les lieux désertiques, loin des carrefours humains, peu efficaces et peu propices à la rentabilité. Nos efforts iraient, et vont déjà,  plutôt pour soutenir les projets dans les grandes villes et pour construire des centres pastoraux démesurés. Le goût pour les rassemblements géants convoqués sur n’importe quel prétexte en est la preuve manifeste.
Toutefois, la folie des grandeurs et notre zèle ne s’y tromperaient-ils pas, par hasard ?
Je pense que si…
Au lieu d’utiliser l’Évangile comme guide majeur de nos pas, sous prétexte d’évangéliser et de porter la lumière, nous gérons l’Église comme  une entreprise.
A notre propre compte, nous reprenons ses méthodes et sa culture publicitaire, avides de capter des clients tous azimuts, aux dépens même de la fidélité à l’enseignement de notre maitre Jésus Christ.
Combien de fois  la réussite d’une action pastorale est-elle mesurée par le nombre  de participants et non pas par le nombre de réelles conversions de cœur ?
De plus en plus,  la messe et les autres célébrations liturgiques  doivent ressembler à un show à la Patrick Sébastien et son émission Le plus grand cabaret du monde.
D’ailleurs, par ci, par là  nous découvrons des églises où la messe n’est qu’un prétexte pour une prestation musicale de groupe pop-louange.[1]

Mes frères bienaimés,
Vous et moi sommes parfaitement d’accord qu’il est nécessaire de se moderniser, de s’adapter à l’époque actuelle, de trouver  un langage audible par le monde contemporain…
Et c’est ce que nous tentons humblement, dans un pur esprit de persévérance, de réaliser dans notre paroisse. Le statu quo et une relative réussite ne doivent pas nous suffire… Il nous faut donc aller de l’avant… sans jamais oublier  le but de toute opération pastorale : le salut de l’âme !
Je suis désolé d’avoir à vous le dire, mais ce n’est pas le fait de remplir nos églises qui m’intéresse particulièrement. Bien sûr, une église bondée, une conférence suivie avec intérêt, une prière massivement soutenue me font toujours plaisir….
Cependant, ce n’est pas le but de l’opération…
Ce n’en sont que les moyens… ou les signes.
Le but recherché est la conversion à Dieu.
Une fois atteint, le cœur devient ardent, les paroles comme un feu et les actions comme des étoiles dans un ciel obscur…
Ladite conversion… passe d’abord par une rencontre personnelle pendant laquelle l’homme prend enfin conscience que Dieu n’est pas une idée, un concept, un état, mais une personne, divine, certes, et qui le dépasse dans tous les aspects,
mais une personne avec laquelle il peut entrer en relation d’amour.

L’Évangile d’aujourd’hui, à travers l’histoire de Jean le Baptiste, donne donc un enseignement important où l’homme a le plus de chance de rencontrer Dieu.
Il ne le trouvera pas dans le bruit et la cohue activiste.
Avez-vous entendu dire que Dieu se manifeste au milieu de la foule faisant ses courses à Auchan ou Castorama ?
Avez-vous entendu parler de l’apparition de Marie au Moulin Rouge à Paris ou de  l’Esprit-Saint s’invitant à l’émission On n’est pas couché ?
 
Non, bien sûr que non !!!
Peut-être avez-vous regardé les funérailles nationales de Johnny Hallyday, où des foules scandaient, chantaient à tue – tête ses chansons… mais je ne pense pas que Dieu ait été particulièrement saisissable aux Champs Élysées.

Sans doute y-a-t-il eu des moments d’émotion, des regrets d’avoir perdu un proche, une idole. Un véritable élan de solidarité avec la famille de Johnny en deuil était palpable…, mais la présence de Dieu n’a commencé à se percevoir qu’à partir du silence religieux, lors de l’arrivée du convoi funéraire devant l’église Ste Madeleine. Il a fallu que le cercueil blanc se réfugie entre les murs d’une église pour que des paroles sur la foi soient dites et entendues et que l’Évangile du Christ soit prêché….

Mes frères et sœurs bienaimés, pour rencontrer Dieu, il est indispensable de partir au désert…, de se confronter à sa rudesse, à sa pauvreté, à ses exigences…
Il faut laisser derrière soi le train-train quotidien,  les affaires encombrantes, les regards affolés… Il faut sortir symboliquement de chez soi, abandonner la bande de copains, le confort, la sécurité…
Pour voir le ciel étoilé n’est-il pas nécessaire de quitter la ville qui tue ses lumières ?
Par contre, loin de l’éclairage des rues et des boutiques de luxe, les yeux tournés vers le haut, le bleu du firmament est de retour, nimbé d’étoiles…, bref, le ciel, tout court !
Gardons bien ceci en mémoire : l’artificiel tue toujours le naturel…, les apparences la vérité…, la mondanité  la foi…
Le choix qu’a fait saint Jean de prêcher dans le désert est quelque chose  de fou. Visiblement il n’y a pas de logique à se rendre dans un lieu hostile à la vie, et pourtant, là-bas, Dieu a révélé sa présence et sa puissance…
Les gens l’ont bien compris, puisqu’ils se rendaient en masse voir le prophète vêtu de poil de chameau, une ceinture de cuir autour de rein, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage.
Ils ne craignaient pas d’entreprendre la route dans le climat hostile du désert, de subir la faim et la soif… Pour eux, le salut de leur âme valait bien des efforts.
Ils savaient que Dieu est beaucoup plus facile à rencontrer dans la poussière d’une marche que dans un bar de plage, la paille à la bouche.

Testez… et vous verrez par vous-même…

Soit vous ne bougez pas, vous ne faites rien, vous restez ou vous êtes, dans l’imbroglio de vos journées, ballotés au hasard des tâches…, soit  vous réservez un temps pour vous, un lieu à part – votre désert à vous.
Persévérez dans le silence… dans l’attente…
Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers…
Et vous-même, vous verrez que Dieu est beaucoup plus proche que vous ne l’aviez pas imaginé…
Vous verrez que l’Avent 2017 vous emmènera moins devant un village de Noël, composé des santons et de petites maisons en bois que devant la crèche de votre cœur où le Fils de Dieu sera, réellement, en train de naître !

[1]Cfr., L’audience générale du pape François, le 8.11.2017 : […] pourquoi, à un certain moment, le prêtre qui préside la célébration dit-il : « Élevons notre cœur ? ». Il ne dit pas : « Élevons nos portables pour faire une photo ! ». Non, ce n’est pas bien ! Et je vous dis que cela me procure beaucoup de tristesse quand je célèbre ici, sur la Place ou dans la Basilique, et que je vois tous ces portables levés, non seulement ceux des fidèles, mais aussi ceux de certains prêtres et même d’évêques. Mais s’il vous plaît ! La messe n’est pas un spectacle : c’est aller à la rencontre de la passion et de la résurrection du Seigneur.